VEÏVRA IYE DARFINE NOËL

Ma rencontre avec Mondoblog, ou comment j’ai participé au concours Rfi Mondoblog 2023

Je m’appelle Veivra (« Le fils à son père » ou digne fils du village, du pays), j’habite à N’djaména au cœur de l’Afrique et vous propose de vous relater mon « avant » et « après » admission au prestigieux concours Rfi Mondoblog 2023 . Ce petit récit biographique, je le rédige afin de motiver, et encourager toute personne qui rêverait d’intégrer la plus grande sphère des blogueur.euse.s francophones. Chers lecteur.ice.s, je vous invite à vous asseoir confortablement et à « déguster » avec plaisir le film de mon passé très récent !

Que faisais-je avant le concours Mondoblog ?

A l’adolescence (les années 90), lorsque j’étais au lycée, le monde numérique et digital n’était pas vulgarisé. L’informatique et l’internet n’étaient pas à la portée de tout le monde. Les médias se limitaient à la presse écrite, à la télévision (pour la classe moyenne) et surtout à la radio (pour les plus pauvres dont je faisais partie, étant un collégien). Caché derrière mon petit poste de transistor à deux piles, j’interceptais toutes les ondes d’informations qu’elles soient longues (Fm) ou courtes (Sw) ! Dans la cour familiale ou avec les copains du quartier et du lycée, j’étais toujours le premier à déballer et commenter les infos reçues en solo. Cela m’a valu le surnom de « RFI » ! En toute sincérité je n’aimais pas vraiment ce surnom…. mais dans mon alentour, on surnomme « RFI » toute personne qui relate tout, qui ne garde pas sa langue dans la poche et à qui il ne faut jamais dévoiler le moindre secret ! N’ayant pas de téléviseur à la maison et étant fauché, à l’époque, le seul canal par lequel j’étais irrigué d’informations (à l’échelle nationale, panafricaine et internationale) demeurait la radio. Après les cahiers et les livres, mon plus proche compagnon était donc mon transistor à deux piles.

Ainsi, j’ai développé un comportement addictif pour pas mal d’émissions de RFI (Radio France Internationale), mais aussi Africa n°1 et certaines chaines locales. Parmi les émissions de la radio mondiale (RFI) , je me souviens particulièrement de « La Danse des mots » de Yvan Amar, Les Archives d’Afrique d’Alain Foka, le journal Afrique-Midi du regretté Laurent Sadoux et Hassan Diop, Le Journal du Proche et Moyen-Orient, Appels sur l’Actualité de Juan Gomez, Priorité Santé, Couleurs Tropicales de Claudy Siar, Mondial Sport de Philippe Zickgraf et tout le staff des sports, sans oublier L’Atelier des Médias.

Après l’obtention du baccalauréat scientifique (série C) et des études supérieures en électromécanique, j’ai échappé de justesse au «chômage endémique » au Tchad grâce à l’aide familiale en créant ma propre micro-entreprise (atelier de formation et maintenance informatique). J’encadre aussi des jeunes en montage de micro-projets en vue d’obtenir des micro-financements auprès des ONGs ou banques de la place.

Comment ai-je été informé du concours Rfi Mondoblog 2023?

Passionné par la lecture, l’écriture et l’actualité (économie, politique, sport, musique, religion, etc), je passais beaucoup de temps en ligne (connexion internet) en train de piocher des «news ». Comme une abeille butineuse, toujours attirée par le parfum agréable des fleurs, mon attention était captivée par l’information sur la toile (web). C’est à travers ce flux intense des infos que j’ai été informé par mail via le site https://afri-carrieres.com/2023 (Afri-carrières /Opportunités pour la jeunesse) où je m’étais inscrit auparavant. Par ailleurs, RFI elle-même, passe en boucle le communiqué à propos du concours Mondoblog. Evidemment, je n’ai pas hésité un seul instant à partager cette bonne nouvelle du « Concours RFI Mondoblog » sur mon compte Facebook. A partir de là, j’avais décidé de tout faire pour intégrer la plus grande communauté de blogueurs francophones et rejoindre la « famille » Mondoblog-RFI.

Le concours Mondoblog 2024 est ouvert jusqu’au 1er mars. Crédit : Studio graphique FMM

Thème et format choisi au concours Mondoblog 2023

Ce qui est bien avec le concours Mondoblog, c’est que les thématiques ne sont pas restrictives, donc chaque candidat peut s’exprimer sur le sujet de son choix. Il y avait l’environnement, la société, la famille, la tradition, l’éducation, la santé, etc.  Peu importe le thème choisi, il doit être bâti et cadré dans l’un des formats suivants : Billet rédigé, Top 5, Reportage ou enquête et Fact cheking (désintox). Les candidats peuvent aussi choisir des formats photo, vidéo ou son (podcast).

Du coup, les thèmes, les idées et les arguments partaient dans tous les sens et se bousculaient dans ma tête ! Je pensais au concours et j’étais en perpétuelle réflexion, au point que les idées m’étaient comme murmurées lorsque je me retrouvai seul. Après une mûre réflexion, les idées en ébullition qui s’entrechoquaient dans ma tête se décantèrent et une lumière jaillit. J’entendis une voix me dire : « Veivra, choisis l’environnement et parle des maux qui gangrènent le développement de l’agriculture et de l’élevage ; deux principaux leviers économiques du Tchad.» D’où le titre de mon article pour le concours : « Au pays de Toumaï, l’agriculture et l’élevage sont en guerre ».

Au café Wenakblog 2023 en prélude à la 10e session du concours RFI Mondoblog. Crédit: Veïvra Noël

Le remplissage du formulaire de candidature

La démonstration littéraire terminée, il était temps de passer au remplissage du formulaire car le délai imparti (juste un mois : du 1er février au 1er mars 2023) touchait à sa fin. Cher.e.s lecteur.rice.s et aspirant.e.s au concours Mondoblog, je tiens à vous rappeler que le remplissage du formulaire est aussi très important. C’est un autre exercice explicatif et argumentatif qu’il ne faut pas négliger, à faire avec dextérité. Les parties telles que « Présentez-vous en quelques mots», « Pourquoi voulez-vous rejoindre Mondoblog ? » et « Avez-vous quelque chose à nous dire ? » doivent être traitées avec acuité et finesse.
Me concernant, voici les raisons qui m’ont poussé vers la sphère Mondoblog et que j’ai expliqué : «Lorsque j’étais au lycée, mon rêve le plus ardent était d’être un célèbre écrivain, un journaliste ou un médecin cardiologue. En effet, j’adore (encore maintenant) lire (notamment les romans africains; Présence Africaine) et écrire à propos du football, des actualités politiques, économiques… en particulier les actualités du continent, que je partage sur mon compte Facebook. D’ailleurs, au lycée, j’étais l’un des membres de l’équipe de la rédaction de notre Journal bimensuel « Le Collégien ». Dans ma communauté religieuse (Eglise catholique), je suis un membre du Comité Justice, Paix et Réconciliation. Toutes ces expériences m’amènent à vouloir intégrer le « Monde Mondoblog » pour concrétiser mon rêve d’adolescence. Je veux m’exprimer pour combattre toutes les formes d’injustices, d’inégalités et de violences dans mon pays (le Tchad), en Afrique et dans le reste du monde. Enfin, je veux prendre du plaisir à informer le peuple sur ce qu’il ignore ou sur ce qu’il craint. Merci ! »

Enfin, si la radio mondiale me tend son microphone, voici ce que je souhaiterais dire à propos de ce concours : « Je remercie vivement RFI pour cette opportunité que je saisis frénétiquement pour (peut-être) concrétiser mon rêve le plus fou : devenir journaliste. Je voudrais vous suggérer de prolonger le délai de candidature (deux mois au moins) pour la prochaine édition de Mondoblog. Enfin, sachez que vous ne regretterez jamais d’avoir porté votre choix sur ma modeste personne. Merci à toute l’équipe Mondoblog RFI qui ne ménage aucun effort pour nous informer ».

Les participants au dernier café Wenakblog 2023. Crédit: Veïvra Noël

L’annonce des résultats. Quelle émotion, quelle joie, quelle euphorie !

C’était le 23 mars 2023 exactement, aux environs de 19 heures, je venais d’éteindre les lampes et de baisser les rideaux de ma « petite » boutique. Arrivé à la maison, après les salutations habituelles, à peine traversé le seuil de la porte de ma « cabane », je relance mon compte Facebook sur mon téléphone portable. A la première vue, j’aperçus et lus ceci : « La sélection du concours Mondoblog est terminée ! Les résultats ont été annoncés par mail à tous (toutes) les candidats(es) ! Vous étiez presque 500 à participer cette année. Un grand merci à toutes et tous pour vos textes, vos vidéos, vos podcasts… des productions originales, personnelles et émouvantes ! Une fois de plus, il a été compliqué de vous départager, les choix ont été parfois très difficiles. Mais la Saison 10 de Mondoblog est maintenant définie, elle peut désormais commencer. Mondoblog souhaite la bienvenue aux 66 nouvelles.aux mondoblogueur.euse.s ! Vive la Saison 10 de Mondoblog, vive Mondoblog 2023 ! A très vite ! » (Rfi Mondoblog). Mon cœur s’est soudainement arrêté, puis il se relança et redoubla mon rythme cardiaque ! Je soupirais et laissais entendre un « ouf ! » de soulagement. Avant de me jeter sur mon PC ordinateur portable afin de mieux comprendre de quoi il s’agissait, je me ressaisis un instant pour formuler une petite prière intérieurement. Dès l’ouverture de mon mail, je lus ce message :

« Bonjour VEIVRA,
Après avoir lu et relu les très nombreuses candidatures au concours Mondoblog, nous avons le plaisir de vous annoncer que votre candidature au concours « Concours Mondoblog 2023 » a été retenue ! Vous êtes sélectionné(e) pour intégrer Mondoblog ! Félicitations ! »

Tout seul dans ma « hutte », des larmes de joie dégoulinèrent sur mes joues ! L’émotion était tellement immense ! En vérité, par le passé et parce-que j’avais la passion d’écrire, j’avais postulé à des stages non rémunérés dans plusieurs presses écrites et numériques de la capitale, mais aucune d’entre elles n’avaient osé se pencher sur mes dossiers car je n’avais pas le profil (je vous rappelle que j’ai plutôt étudié l’électromécanique et non la communication, le journalisme ou encore une discipline plus proche des lettres). D’où ce soulagement, cette extase, cette euphorie, cette folle joie que Mondoblog m’accepte ! Cette nuit-là, je n’ai pas fermé l’œil. Je me projetais dans l’équipe de la rédaction de Mondoblog-RFI ou quelque part au Tchad, en train d’écrire un article ou de faire un reportage. Je m’imaginais ce que j’allais écrire sur mon blog. Bref, j’étais complètement « enjaillé » et noyé dans mes fantasmes, au point d’être en retard à mon lieu de travail le lendemain !

Même si, un an après mon admission à la plus grande communauté des blogueur.euse.s francophones, ma situation sociale n’a pas changé, je vous assure que grâce à la formation à distance donnée par l’équipe Mondoblog (formation éditoriale), je peux aujourd’hui facilement intégrer une presse de renommée internationale. L’équipe Mondoblog relit nos articles et nous donne de précieux conseils avant la publication. Ils nous aident dans notre écriture pour qu’elle soit plus journalistique et nous forment sur les grands principes de l’écriture web. En outre, par le biais de mon blog (thermo.mondoblog.org), j’ai pu me rapprocher d’éminentes personnalités du pays. Merci à toute l’équipe de Rfi Mondoblog. Qu’Allah vous donne une très longue vie ! Ciao !

Cher.e.s lecteur.rice.s, cher.e.s abonné.e.s, ce billet était le récit de mon « avant », « pendant » et « après » concours Rfi Mondoblog 2023. Pour le concours 2024, à vous de bien jouer ! Vous trouverez toutes les informations pour le concours ici.

Bon travail et bonne chance à toutes et tous ! A bientôt au sein de la plus grande famille des blogueur.euse.s francophones. A Mondoblog, on se lit et on se lie !


Le cadeau du premier jour de l’an : Masra hérite la Primature

Après la démission du gouvernement d’union nationale suite au résultat final du référendum du 18 décembre, la Primature était vacante. Il fallait lui trouver un occupant et pas n’importe lequel. Après avoir entretenu le suspense et ayant maintenu un certain nombre de Tchadiens dans l’insomnie, comme le père Noël, le Président Mahamat Idriss Déby Itno vint surprendre le peuple en pleine fête, le premier jour de l’an avec un présent inattendu ! Dr Succès Masra, l’opposant le plus redouté par le clan Itno, est désigné pour succéder à Saleh Kebzabo. Aura-t-il les moyens nécessaires pour sauver ce paquebot tchadien qui tangue et prend l’eau de tout côté ? La primature est-elle le but de la signature de l’accord de Kinshasa ? Tant de questions se bousculent dans la tête et débordent sur les lèvres du citoyen tchadien lamnda.

Meeting des Transformateurs à N’djaména. Crédit photo: Wikipedia Common

L’avant 20 octobre

Après la mort tragique et subite du Maréchal Idriss Déby Itno, la junte dirigée par son fils, le Général Mahamat Idriss Déby Itno, s’empare des rênes du pouvoir. Des voix civilo-politico-militaires s’élèvent et dénoncent un coup d’État institutionnel car le nouvel homme fort du pays dissout le parlement qui devrait en toute logique assurer l’intérim. Cette junte annonçait aux Tchadiens qu’elle a pris le pouvoir pour préserver l’intégrité du territoire et éviter que le Tchad sombre dans le chaos suite à l’attaque rebelle ayant causé la mort du Maréchal. Elle promet de ne pas excéder 18 mois de transition et après quoi le bâton de commandement doit être remis aux civils. Au terme de cette période, le tout jeune khalife et plus puissant homme du pays parvient à ramener au bercail quelques activistes, exilés politiques et farouches opposants au régime de celui qui était appelé le « Gendarme de l’Afrique ». Après des tiraillements avec l’opposition civile, une grande messe, appelée dialogue national inclusif et souverain (Dnis), a été dite. À la fin de cette messe, il a été décidé que la transition soit prolongée et que le fils du défunt président soit maintenu au sommet de l’État. Ceci a été une pilule de trop à avaler pour l’opposition qui voudrait découdre avec la tyrannie des Itno (33 ans au pouvoir, s’il vous plaît !). La coalition de l’opposition et Les Transformateurs de Dr Succès Masra donnent un ultimatum à la transition qui ne rétrograde pas. Cette dernière obsédée par le pouvoir ne lâche pas prise. Les militants de l’opposition et les jeunes mis à la marge de la chose publique descendent dans la rue et ce fut une manifestation d’envergure dans plusieurs grandes villes du pays. Les forces de l’ordre et l’armée dite nationale répriment dans un rapport de forces très disproportionnées les manifestants. Le bilan est très lourd, plus de trois cent morts et des centaines des arrestations selon l’opposition et les Ongs nationales et internationales. Dr Succès Masra, l’un des cerveaux de ce soulèvement, s’évade et quelques mois plus tard réapparaît à la Maison Blanche puis à l’Elysée où il disait plaider pour la cause de « son peuple » asservi et meurtri.

L’après 20 octobre

Environ un an après cette triste journée du jeudi 20 octobre 2022, le leader des Transformateurs brise le silence et annonce son retour sur la terre de ses ancêtres. Cette nouvelle fait tressaillir la transition qui, depuis ce jour très sombre, avait retrouvé un répit, un calme précaire car les manifestations étaient strictement interdites et la psychose planait au milieu des jeunes effrayés par la violente répression. Tout à coup, le gouvernement de Saleh Kebzabo rénifla les tiroirs très poussiéreux où sont empilés les casiers judiciaires et sortit un mandat d’arrêt désuet, classé sans suite et le brandit au média pour une propagande contre la personne de Dr Succès Masra. Ce dernier, probablement un peu paniqué, interrompit les préparatifs pour son retour triomphal au nom de l’ordre public et de sécurité nationale.

L’un de ces quatre matins, le 31 octobre 2023, « l’information tomba sur la tête » du citoyen tchadien lamnda, par surprise et avec étonnement, comme une pluie en pleine saison sèche. Les ondes radiophoniques et les médias d’une manière générale se saturent en parlant d’un accord de principe qui avait été trouvé à Kinshasa entre la transition impopulaire et le « messie » Succès Masra. N’ayez pas encore terminé la digestion de cette information abracadabrantesque, le peuple est informé par les médias notamment RFI, que Dr Succès Masra est arrivé cet après-midi du 03 novembre à N’djaména ! « Nous avons chacun fait un pas vers l’autre» fait-il comprendre. Il décrète 40 jours de deuil en mémoire de toutes les victimes du carnage du jeudi noir. Étant très familiarisé avec son public, il rompit le deuil annoncé et tint un meeting quelques jours après son retour. Au cours de cette communion avec son « peuple », le « sauveur » tenta d’apaiser la tension très vive entre lui et ses partisans qui ne comprennent pas ce virage à 180° puis celle entre la transition et les parents des victimes majoritairement issues des Transformateurs. Enfin, ce messie tenta d’administrer quelques remèdes pour panser les plaies fraiches et béantes laissées par les meurtrissures engendrées par la barbarie de cette journée tristement mémorable. C’était en pleine période référendaire. Il devrait en principe se prononcer sur le référendum qui vient au galop. L’opposition dans sa généralité opte pour le NON (État fédéral). Une autre mouvance de cette opposition appelée Wakit Tama appelle au boycott du scrutin. Selon elle, les conditions ne sont pas réunies pour un vote transparent. « Nous ne pouvons pas participer à un jeu où le joueur est lui-même l’arbitre » dit-elle. Le numéro un de l’opposition, désormais allié de la transition, après avoir gardé un silence, joue au caméléon et appelle subitement à voter OUI (État unitaire) comme le veut la transition. C’est un autre coup de massue qu’il assène à ses militants dont la majorité pense voter Non ou boycotter le référendum. Malgré l’alarme tiré par l’opposition au sujet du taux de participation très faible (qui ne dépasserait pas les 5%), le résultat est promulgué et le OUI du camp de la transition remporte avec un score vertigineux supérieur à 85%. Dr Succès Masra, comme atteint d’une paralysie aigüe, immobilisa sa langue habituellement très active et « tranchante » dans la cavité buccale et laissa passer la tempête référendaire dans ce que l’opposition appela un « désert électoral ».

Dr Succès Masra, Président du parti Les Transformateurs.
Crédit photo: Wikipedia Common

L’ascension à la primature

Après avoir dirigé le gouvernement d’union nationale et post Dnis, le Premier Ministre, Son Excellence Saleh Kebzabo, devrait en toute logique se retirer et faire place à une autre équipe. Cette dernière aura pour mission de poser les jalons pour le spring final de la transition devant déboucher sur les élections libres, transparentes et crédibles. Ainsi, la démission du chef de gouvernement était un secret de polichinelle. La surprise vient du poulain choisi ou du prochain « perroquet » qu’il faut dare-dare mettre en cage. Plus de 48 heures, la primature était vacante, les Tchadiens retenaient leur souffle et attendaient d’écouter sur les ondes de la radio nationale le nom du nouveau chef de gouvernement. Comme il n’y avait aucun écho, l’on a préféré dissoudre son anxiété causée par une telle longue veillée dans l’euphorie du premier jour de l’an. C’est à cet instant précis où les Tchadiens en général et les N’djaménois en particulier avaient la tête en l’air, emportée et plongée dans les mouvements festifs que le très jeune « khalife » décida de dévoiler le nom du prochain locataire de la Primature. À peine prononcée, la nouvelle inonda à débit impressionnant les réseaux sociaux et les médias d’une manière générale. Dr Succès Masra, le Président du parti Les Transformateur, est le prochain poulain qui doit hériter le portefeuille de la primature.

Les réactions mitigées de la rue

Les uns s’égaient, s’enjaillent et se congratulent. Les supporters et « adorateurs » de Dr Succès qui ont appris la « bonne nouvelle » étant dans les débits de boisson, ont doublé voire triplé leur dose habituelle d’alcool ! D’autres, par contre, demeurent évasifs, et se sentant un peu « trahis ». « Non, non et encore non, Succès ne devrait pas accepter ce poste » tonna nerveusement un quadragénaire. A la question « pourquoi ? », avec un léger bégaiement peut-être causée subitement par cette fureur, il poursuivit : «En prenant place, lui-même à la table où dînent les démons de ce système impopulaire, à coup sûr, il perdra des plumes à la grande bataille électorale ». Un autre groupe de jeunes surexcités non loin du Q.G des Transformateurs dans le 7ème Arrondissement disent avoir toujours confiance à leur guide car il sait ce qu’il fait. C’est un homme très sage et malin. « Nous sommes patients car la terre promise n’est plus loin ! » disent-ils.

Les attentes du peuple

Le Tchad, malgré les trois décennies du clan Itno au pouvoir, est l’un voire le pays le plus pauvre de la planète. L’éducation, la santé, l’agriculture, la sécurité, la justice, l’énergie, les infrastructures, etc. il n’y a aucun secteur épargné par la mal gouvernance d’un système prédateur qui en 33 ans a mis tout un peuple à genoux. Le tout nouveau chef de gouvernement, contrairement à ses prédécesseurs, aura-t-il plein pouvoir pour essuyer les larmes du peuple tchadien oublié par ceux qui devrait le servir ? Sur le plan éducation, depuis le début de l’année scolaire 2023-2024, les écoles publiques sont fermées. Les enseignants sont en grèves. Les enfants des parents pauvres sont à la maison. Ceux qui sont de la moyenne classe ont inscrit leurs enfants dans les privées. « À cause des grèves répétitives et des perturbations scolaires, j’ai déplacé toute ma famille à Kousserie (extrême nord du Cameroun) », explique un parent très courroucé. L’administration est paralysée par une corruption endémique. Les diplômés sont dans la rue, les débits de boissons et le secteur tertiaire. L’excellence n’a pas droit de cité au « royaume » des Itno. La cherté de vie a atteint une limite inimaginable. Le coût de vie élevé est aggravé par la flambée du prix des combustibles chez les détaillants. L’insécurité est galopante. Dans les provinces, les campagnes, les enlèvements contre rançons sont monnaie courante. Les conflits agriculteurs et éleveurs sont récurrents. Bref, les misères du peuple tchadien constituent un très long chapelet que Dr Succès Masra doit égrener jusqu’à la fin de la transition. Le cadeau du nouvel an offert par Son Excellence Mahamat Idriss Déby Itno à son ex fervent opposant ne serait-il pas empoisonné ? Les jours prochains apporteront la lumière à cette interrogation.

Le logo du parti Les Transformateurs.
Crédit photo: Wikipedia Common


Noël d’espoir et de réconciliation à N’djaména

Chaque année, à l’instar des chrétiens de la planète, ceux du Tchad en général et de N’djaména en particulier commémorent, la naissance de Jésus-Christ, le 25 décembre. Noël est un temps de conversion des cœurs, de pardon, de communion avec Dieu et de partage. Cette année, dans la paroisse Bienheureux Isidore Bakanja de Walia Goré, située à la sortie sud de la ville de N’djaména de l’autre côté de la rive du fleuve Chari dans le 9ème Arrondissement, Noël a été célébré d’une façon très spéciale ! Du 24 au 25 décembre, le froid glacial répandu par le courant d’eau de ce fleuve en cette période de fraîcheur a cédé la place à cet événement mystérieux, chaleureux et euphorique : la commémoration de la naissance de Jésus-Christ en présence des autorités étatiques.

La journée du 24 décembre

Comme pour orienter toute âme bienheureuse qui voudrait offrir ses présents à l’Enfant Jésus (Emmanuel) couché dans la crèche, la paroisse Bienheureux Isidore Bakanja a été décorée, ornée, enjolivée… De loin, comme les étoiles qui ont guidé les rois mages, les bergers (les premiers à se prosterner devant le fils de David avec tant de précieux cadeaux), la paroisse, en dépit de la poussière du quartier, scintille et est facilement identifiable ! Le réveillon a été célébré dans l’émerveillement ! Chaque arbre et arbuste de la cour est paré d’une ampoule électrique. La cour, bien éclairée, témoigne les étoiles, signes précurseurs, de la Bonne Nouvelle : la naissance du Sauveur.

À la messe du réveillon, six enfants ont été présentés à l’Eglise par leurs parents pour recevoir le sacrement du baptême. L’homélie a été participative car le prêtre a invité quelques enfants à le rejoindre à l’autel. Quelques petites questions ont été posées à un groupe de quatre enfants. L’une d’elles est la suivante : En cette journée spéciale, chers enfants, qu’est-ce que vos parents ont exceptionnellement apprêté pour vous ? Les réponses ont été presque identiques. « Papa et maman s’activent à nous présenter un copieux repas ». Le prêtre officiant a voulu faire comprendre aux enfants et à l’assemblée que Jésus-Christ est venu au monde pour que tout le monde ait la vie en abondance, tout comme la nourriture offerte par les parents aux enfants. Ensuite, il leur demande où a été placé le « Petit » Jésus après sa naissance ? L’un des enfants lui répond : « Jésus a été mis dans une mangeoire ». Et au prêtre d’ajouter : « Jésus est le vrai pain offert par Dieu à l’humanité toute entière ». Il le dira lui-même « Je suis le pain descendu du ciel. Qui mange ma chair et boit mon sang vivra éternellement », Jean 6: 51. Par cette homélie, le ministre de Jésus invite les enfants à cultiver l’amour et à le répandre non pas seulement dans leurs familles biologiques mais partout où ils se trouvent.  Rappelons qu’avant le début de cette messe, le curé de la paroisse Abbé Madou avait distribué plus de mille chapeaux « père noël » aux enfants pour leur donner l’exemple de ce que signifie le partage en leur faisant comprendre que la lumière qui scintille sur ce chapeau doit également briller dans leurs cœurs. Jésus-Christ est la Lumière du monde et ceux qui le suivent doivent marcher dans la lumière.

Abbé Madou, Curé de la paroisse Bienheureux Isidore Bakanja. Crédit photo: Abbé Madou (avec accord pour publication)

La journée du 25 décembre

Une matinée contemplative au chevet de l’Enfant Jésus

Enfants, jeunes, femmes, hommes, vieillards, parents, bref les fidèles de la paroisse sont tous à quatre épingles tirées, bien dressés dans leurs plus beaux habits de fêtes. Le sourire suspendu aux lèvres, les meilleurs vœux de Noël pleuvent et l’atmosphère devient électrique et joviale. Dès 08 heures précises, sur l’aire de prière grouille une marée humaine aux couleurs multiples. La grande cloche de la paroisse retentit, à la manière d’un muezzin à la mosquée, appelle les fidèles qui traînent les pas vers la principale célébration catholique : la messe. Une colonne de deux rangées avance vers l’autel. Tour à tour, deux par deux, les servants de messe, les membres du groupe liturgique et le seul prêtre officiant cette messe solennelle s’inclinèrent devant la sainte croix de Jésus-Christ, élevée au-dessus de l’autel. La foule, assemblée pour la messe de la Nativité, est chaleureusement et fraternellement accueillie par le ministre de Jésus, l’Abbé Simon Pierre Madou, le numéro un de la paroisse Bienheureux Isidore Bakanja de Walia Goré. En cette journée spéciale où les chrétiens du monde entier commémorent la naissance d’un bébé extraordinaire, le baptême d’un nouveau-né est programmé. Après les rites et les cérémonies baptismales, débute la liturgie. L’Évangile est tiré de saint Jean 1, 1-18 : « Le Verbe s’est fait chair et habite parmi nous ». Au cours de l’homélie, le pasteur a d’abord martelé et rappelé aux fidèles que « l’Église catholique est fixée et implantée sur la croix de Jésus-Christ ! Aucune force, aucun mal ne peut rien contre elle ! ». Cette église universelle (catholique) est apostolique car elle est de la lignée des Apôtres. C’était une réponse de l’Abbé Madou au décret papal à propos de la bénédiction des couples homosexuels ayant fait le buzz tout au long de la 4ème semaine de l’Avent. Lors de cette prêche matinale, il a brièvement décrit les intenses activités festives de l’après-midi et de la soirée comme pour exciter toute l’assemblée à ne pas manquer ces moments mémorables de l’année. La fête de Noël de cette année en cette période où les Tchadiens désirent ardemment aspirer à la paix se déroule sous un thème spécial : « Noël d’Espoir et de Réconciliation ». Les autorités du pays, membres du gouvernement de la transition et les opposants politiques sont invités à venir partager les repas en famille avec les enfants de la paroisse et des environnants.

Une crêche construite par les jeunes.
Crédit photo: Veïvra Noël

Une soirée explosive en présence des autorités politiques

Rappelons qu’en dépit du dialogue national inclusif et souverain (Dnis) faisant suite aux multiples accords avec les politico-militaires, le retour d’exil des activistes de la diaspora, le Tchad est atteint d’une crise socio-politique très sévère : la violente répression des manifestants contre la prolongation de la transition et surtout contre le maintien du Général Mahamat Idriss Déby Itno, fils de Maréchal Idriss Déby Itno, au pouvoir. Selon la transition, par ses efforts incessants de la main tendue, comme par envoûtement, le très jeune et nouvel homme fort de N’djaména, a réussi à ramener l’un, voire le plus farouche, des opposants politiques à accepter les résolutions du Dnis qu’il avait au départ boycottées. Cet accord avec Succès Masra, le président du principal parti de l’opposition, a fait souffler une brise d’apaisement politique malgré les grognes d’autres entités politiques de l’opposition qui ne reconnaissent pas l’accord signé à Kinshasa. De ces multiples réconciliations obtenues par le clan Itno, un référendum électoral a eu lieu le 17 décembre 2023 afin de déterminer le moule dans lequel l’État tchadien doit correspondre. Avant et après le résultat, l’opposition et plus précisément la coalition Wakit Tama qui avait appelé au boycott à crier victoire. Pour elle, les Tchadiens ont suivi l’appel au boycott et évoque un « désert électoral ». Le résultat est tout à fait contraire aux spéculations et attentes de l’opposition.

C’est dans ce climat politique délétère que l’Abbé Madou décide de réunir les protagonistes de la scène politique tchadienne moins de 48 heures après la promulgation des résultats du référendum très contesté par l’opposition. Comme pour mettre en application la parole de l’Ange Gabriel à la Vierge Marie : « Avec Dieu, rien est impossible », le jeune prêtre croit fermement à réconcilier les autorités politiques de son pays en présence des enfants. Car, Christ, lui-même, a dit : « si vous ne vous convertissez pas et si vous ne devenez pas comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux ».

L’opposant Yaya Dillo accueilli par le curé Abbé Madou. Crédit photo: Abbé Madou (avec accord pour publication)

Au soir du jour de la célébration de la Nativité du Prince de la Paix, les acteurs du « ring politique » du Tchad sont priés d’enterrer la hache de guerre en présence et au milieu des enfants. Parmi les invités nous pouvons citer Monsieur Yaya Dillo, Président du Parti Socialiste sans Frontières (PSF), Pr Avocksoum Djona du Les Démocrates, le ministre de l’agriculture Laoukein Médar, ancien maire de la ville de Moundou et président du parti la Convention tchadienne pour la paix et le développement (Ctpd), Dr Succès Masra du parti Les Transformateurs, Monsieur Djimet Clément Bagaou du Parti Démocratique des Peuples Tchadiens, etc. La foule composée de plus de mille enfants est subdivisée en groupes appelés « quartiers » dont les différents chefs sont les autorités politiques invitées. Chaque chef de quartier, juste après son arrivée, a eu quelques minutes pour s’exprimer à la foule. Dans les différentes interventions, de ces différents hommes politiques aux idéologies différentes, il y a un point de convergence : « Les enfants, vous êtes l’avenir de notre pays le Tchad ». Devant la crèche où se trouve la Sainte Famille (Joseph, Marie et l’Enfant Jésus), ce n’est ni le « Pater » ni le « Je vous salue Marie » ni le « Je crois en Dieu » qui a été récité mais plutôt « La Tchadienne ». L’hymne national a été entonné différemment par les différents quartiers. Sourire aux lèvres, les chefs de quartier ont eu un temps d’échange avec leurs membres dans le calme accordé par le « DJ » (l’animateur) qui a bien voulu baisser le volume du son de son amplificateur. L’hôte, le curé, a exprimé ses émotions, sa joie et sa satisfaction en ces termes : « Comme les bergers, les mages auxquels la Bonne Nouvelle est annoncée, les autorités malgré leurs multiples occupations se sont précipités pour venir offrir leurs présents aux enfants qui sont la présence physique de Jésus-Christ ». Au cours de ces brassages très chaleureux, plus de mille repas et tant d’autres cadeaux ont été distribués aux enfants. Au-delà de cette rencontre fraternelle, le prêtre voudrait mettre en exergue « l’humilité » que nous devrions montrer vis-à-vis de nos semblables aussi petits et pauvres qu’ils soient. Les mages (grands savants) sont venus se prosterner devant le « petit Jésus ». De même, les autorités politiques ont accepté de venir s’asseoir et échanger avec les enfants de la paroisse.

Laoukein Médar distribuant les plats de nourriture aux enfants. Crédit photo; V. Noël
Dr Succès Masra partage des cadeaux aux enfants. Crédit photo: Abbé Madou (avec accord pour publication)

Au-delà de cette rencontre exceptionnelle et fraternelle, les autorités de la transition et les opposants doivent avant tout considérer l’intérêt général en toute circonstance. Avant qu’elles ne nouent le tablier autour du cou, elles doivent se rassurer que le peuple a suffisamment mangé. À l’image de l’Enfant Jésus qui a laissé la gloire qu’il avait auprès du Père pour se revêtir de notre condition mortelle et à l’exemple de ces riches bergers qui sont venus s’incliner devant le Nouveau-né, les autorités du Tchad devraient, à leur tour, être à l’écoute du peuple. Bonnes et heureuses fêtes à toutes et à tous !


Référendum : N’djaména refuse de participer au jeu politique où l’arbitre est l’adversaire lui-même

Dimanche 17 décembre, huit millions d’âmes sont appelées à définir la forme de l’État en terre Sao. Le Tchad, depuis la mort tragique et subite du Maréchal Idriss Déby Itno, le 21 avril 2021 et surtout après la dissolution de la constitution de 2018 par la junte militaire dirigée par le fils du défunt Président, cherche à retrouver le chemin de la démocratie. Le nouvel homme fort du pays a voulu recollé les épaves d’un Tchad disloqué. Il organise un dialogue national inclusif et souverain à l’issue duquel le peuple tchadien peut choisir de redonner une forme et un fond à ses textes constitutionnels.

Les enjeux du vote

En trois semaine, le Tchad en général et N’djaména en particulier était en « ébullition électorale ». Débutées le 25 novembre, les campagnes référendaires ont pris fin le 15 décembre, soit 48 heures avant le jour « J » du vote. En effet, après deux ans et demi de transition et surtout après la dissolution de la constitution que certains hommes politiques de l’opposition appellent coup d’État constitutionnel, Tchadiennes et Tchadiens sont conviés(es) aux bureaux de vote. Au menu de ces différents lieux d’invitation, il n’y a que deux mets à déguster : le « Oui » ou le « Non ». C’est à gober ou à boycotter ! Le « Oui » pour le choix d’un État unitaire « fortement » décentralisé dont la constitution est déjà taillée et limée avec précision par le Conseil National de Transition (CNT) et largement vantée par le Mouvement Patriotique du Salut (MPS), parti politique fondé par le Maréchal dont le fils porte désormais le flambeau et ses nombreux alliés. Le « Non » porte allégeance à un État fédéral. Ce second choix, selon la transition, est un poison qui porterait les germes d’une division, d’une scission, d’une ségrégation, d’une désunion, etc. qui risquerait de dynamiter le paysage socio-politico-culturel dont Son Excellence Mahamat Idriss Déby Itno a entrepris l’unification dès sa prise de pouvoir. En revanche, il y a un groupe de partis d’opposition avec un certain Yorongar Ngarléji, celui qui s’était farouchement opposé à Déby 1er avant de disparaître du ring politique. Ces formations politiques ont battu campagne pour le « Non » et démontrent que la fédération est une porte de sortie de la crise socio-économique dans laquelle le Tchad est plongé. Le fédéralisme est une voie qui mènerait vers la transparence dans la gestion de la chose publique, la justice donc le développement du pays. D’ailleurs, le Tchad a été depuis toujours un Etat unitaire qu’il soit centralisé ou fortement décentralisé, il a déjà été adopté par le passé. Ainsi, pour cette frange partie des partis d’opposition, le meilleur «plat» à savourer lors de cette « invitation électorale » est le « NON ».  Entre le « Oui » et le « Non », il y a des partisans du boycott. Ceux-ci ont été invisibles sur le terrain lors des campagnes car ils seraient intimidés par quelques agents de force de l’ordre qui les sommeraient de se taire et d’arracher leurs logos, affiches et banderoles sur tous les lieux publics.

Le jour du vote à N’djaména

Ce dimanche 17 décembre, le jour du vote, à N’djaména, les commerces ont été momentanément fermés. Sous un ciel bleu clair où l’on peut voir quelques nuages cotonneux courir et parfois se bousculer, les bureaux de vote s’ouvrent lentement dans les différents arrondissements de la capitale. Les hommes et femmes vêtus de gilets verdâtres sur lesquels l’on peut lire CONOREC (Commission nationale chargée de l’organisation du référendum constitutionnel) sont les agents de vote. Ils observent et supervisent le déroulement du vote. Après avoir fait, en quelques heures, le tour de la capitale tchadienne à bord de ma bécane, le constat est amer et catastrophique. Aux principaux ronds-points et carrefour de la ville, la police anti-émeute a stationné des camions dont l’apparence vous fera hérisser les poils. Ce sont des véhicules capables de cracher l’eau chaude ou du gaz lacrymogène.  Cette disposition a été prise par précaution afin d’étouffer dans l’œuf toute moindre manifestation des partis politiques qui ont appelé au boycott du référendum. Nous devrions souligner que le carnage du « jeudi noir » a laissé une plaie non cicatrisée dans les cœurs n’djaménois. Ce qui expliquerait probablement l’aspect morose de l’atmosphère dans la plus grande ville du pays. Bien que la coalition Wakit tama boycotte ce qu’elle qualifie une mascarade référendaire où le chef de la junte est à la fois joueur et arbitre, les N’djménois ne voudraient pas revivre la journée cauchemardesque du 20 octobre 2022. Sur les artères, le traffic est très calme et très fluide, N’djam ressemble à une ville fantôme.  Dans chacun des bureaux de vote où  je me suis rendu, l’on peut apercevoir un lot de cartes d’électeurs qui moisissent dans un carton. Quelques rares électeurs viennent les ramasser, posent furtivement les yeux dessus. Certains comme par étonnement retrouvent leurs cartes, les retirent, reçoivent les bulletins de vote et vont glisser l’un des deux choix dans la boîte électorale faite en matière plastique.  Vers l’après-midi, dans le 7e Arrondissement, j’interpelle une connaissance du quartier engagée dans le comité d’organisation. Celle-ci, prise à l’écart, me décrit à très basse voix l’atmosphère du bureau. « On se croirait au cimetière ou à une place mortuaire car il régnait un silence. » me laisse entendre ce trentenaire et observateur national. « Depuis le matin, il n’y a que quelques personnes qui s’approchent de nous pour accomplir leur droit et devoir citoyen » poursuit-elle. « Malgré la présence d’un bon thermos rempli de thé vert placé au milieu des verres, la fatigue se dessine sur nos visages. Pour chasser le sommeil et surtout éviter de bâiller, j’avale une bonne dose de cette tisane afin de garder la tête sur les épaule » enchaîne-t-elle.  Ce constat est quasiment le même dans près que toutes les cellules de vote dans lesquelles j’ai enfoncé ma bécane. Voulant recueillir les impressions des concitoyens en ce jour très important et historique, je reçois des réactions comme celles-ci : « Pourquoi aller voter, c’est une perte de temps. Le « OUI » a déjà été programmé pour remporter ». Ou encore « A-t-on déjà eu une élection libre et transparente dans ce pays ? ». Le pire, certains me disent ouvertement de m’effacer, de partir car ils en ont ras-le-bol d’un système qui, au lieu d’assurer la transition, transmet le pouvoir du père au fils.

Un bureau de vote. © Common Wikipédia

Les réactions après la fermeture des bureaux de vote

Dès la fermeture des bureaux de vote, au crépuscule, hommes ou femmes politiques, acteurs de la société civile, citoyen lamnda, les médias, … donnent leurs versions de cet événement mémorable. L’un des principaux opposants au régime inamovible et inébranlable des Itno, Max Kemkoye, président de l’Union des démocrates pour le développement et le progrès (UDP) et membre du Groupe de concertation des acteurs politiques (GCAP), regroupement qui a appelé au boycott, dit avoir constaté un “désert électoral” et estime un taux de participation inférieur à 5%. Le numéro un du Parti Socialiste sans Frontières (PSF) se félicite et remercie le peuple tchadien qui a observé massivement le boycott. « Les Tchadiens de par leurs différences ont choisi de ne pas cautionner cette mascarade électorale malgré la publicité gratuite menée par le camp du ‘’oui’’ », dit-il. La transition a subi une défaite très humiliante d’un peuple qui a marre d’un système esclavagiste. Quant aux autorités aux affaires, elles ont préféré se taire et garder leur calme. Ce n’est que le lendemain que la transition, toute mouillée, se sauve la face en faisant entendre sur les antennes de la RFI que le boycott n’a été observé que dans quelques quartiers de la ville de N’djaména notamment les 6e, 7e et 9e arrondissements. Pour elle, sur l’ensemble du territoire national, sans donner un chiffre, le taux de participation est satisfaisant car le peuple a exprimé librement son choix. Il faudrait signaler que l’un des principaux opposants voire le farouche au régime de Déby fils, Dr Succès Masra, qui a soudainement effectué un virage de 180 degrés à tombeau ouvert en se ralliant au gouvernement et ayant appelé publiquement ses militants à voter « OUI », n’a laissé aucun commentaire.

Dans l’attente des résultats du vote

Quelle cacophonie électorale ! D’une part, le porte-parole de la fédération de l’opposition crédible (FOC), Monsieur Yaya Dillo Djerou Betchi déclare : « Les Tchadiens ont réagi fort à notre message de boycott. Ils ont décidé de ne plus cautionner cette mascarade électorale de la junte militaire ». D’autre part, le Premier Ministre et toute sa bande disent qu’il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. De toutes les façons, le dénouement de cette bataille référendaire s’annonce compliquer. Le peuple tchadien doit garder son calme et attendre le 24 décembre, s’il plaît à Dieu, pour savoir vers quelle direction soufflera le vent de la réforme. Selon la FOC, la défaite est totale, les autorités de la transition malgré les moyens financiers monstrueux employés lors de la campagne pour l’achat des consciences, le peuple tchadien a exprimé son ras-le-bol au système de prédation, d’inégalité et d’injustice sociale. Cette fédération poursuit par la voix de son représentant en disant : « Vu le taux de participation très dérisoire la junte n’a pas d’autre choix que l’annulation pure et simple du référendum de 17 décembre 2023 et de réorganiser une table-ronde fondée sur la vérité et la sincérité ».

Que diront la CONOREC soumise au diktat du jeune khalif du palais présidentiel et les observateurs nationaux et internationaux ? En attendant, les Tchadiens et particulièrement les N’djaménois, déserteurs du jeu politique arbitré par un compétiteur exceptionnel et hors-la-loi, doivent retenir leur souffle.

Une urne de vote. © Pixabay


La lecture du paysage politique tchadien par Moustapha Masri, ex vice-président du parti Les Transformateurs, après le retour au bercail de Dr Succès Masra

Depuis la mort tragique du Maréchal Idriss Déby Itno en avril 2021 jusqu’aujourd’hui, le Tchad traverse une zone politique très turbulente marquée par ce que certains appellent une manifestation pacifique réprimée dans un bain de sang. D’autres évoquent une insurrection, une guérilla urbaine polarisée par une haine viscérale basée sur les appartenances ethniques, politiques, confessionnelles, régionales, etc.

Dans un après-midi calme, sous un ciel pur et bleuâtre, au bord du fleuve Chari, au quartier Sabangali dans le 3ème Arrondissement de la ville de N’djaména, nous avons pris un rendez-vous avec Son Excellence Moustapha MASRI, le désormais ex vice-président du parti Les Transformateurs de Dr Succès MASRA. Nous vous invitons à vous installer et dévorer avec volupté les mots débités par cet homme politique pour décrire le paysage politique sur la terre de Toumaï.

Monsieur Moustapha Masri, Président du Parti Paix et Cohésion Sociale. © M.M

Monsieur Moustapha Masri (M.M), pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

M.M : Bonjour, je suis honoré par la considération et l’opportunité que vous m’offrez pour m’exprimer à travers RFI Mondoblog. Comme vous le savez, je n’aime pas beaucoup parler de moi et si je dois entrer dans les détails cela nous prendra pratiquement une journée. Tout de même, je suis ce jeune tchadien se définissant appartenir à une seule entité qui est le peuple tchadien, fils de Toumaï. Je suis ce tchadien métis, de père biologique du nord et de père adoptif du sud. Je suis cet enfant du Tchad qui a connu toutes les douleurs de notre pays dans sa chair et non par procuration. Mon grand-père était parmi les premiers députés en 1958 mais aussi parmi ceux qui se sont opposés à la modification de la Constitution en 1963 et qui a connu la prison et toutes les difficultés pour cela, avec tant d’autres Tchadiens. Mon père biologique qui est du nord faisait partie de la liste noire du Président Tombalbaye, pour ceux qui connaissent l’histoire mouvementée de notre pays. Il a été arrêté avec tant d’autres Tchadiens, assassinés et jetés dans une fosse commune à Mandelia. Cette liste noire a été dévoilée après le coup d’état de 1975. Mon père adoptif, originaire du sud, a été arrêté dans les années 1985-1987 et mort en prison. Ma grand-mère maternelle est l’une des premières femmes du nord à s’engager en politique et figure parmi les porteuses de l’authenticité depuis les années 60. Vous savez que sans la paix, il n’y a pas point d’existence mais sans l’unité il n’y aura point de paix non plus et seuls ceux qui ont vécu les douleurs dans leur chair et âme sont les plus aptes à construire la paix et à pardonner pour qu’il n’y ait point de répétition. Revenant à ma personne, je suis un technicien de formation, ingénieur concepteur en viabilisation des villes et des cités ayant ma propre entreprise et ayant représenté plusieurs grandes sociétés internationales au Tchad et à l’étranger mais j’ai arrêté tout cela pour m’engager en politique, non pas pour moi et ma famille mais par devoir envers mon pays, notre patrie. Pour la petite histoire, j’étais sur le point de quitter le Tchad, j’avais vendu quelques maisons et véhicules pour aller m’installer à l’étranger quand l’idée de la création du mouvement Les Transformateurs a émergé et nous avons tout arrêté pour nous engager dans la politique par devoir malgré les douleurs que la politique a infligé à notre famille, notre milieu et notre entourage. Voici une synthèse de qui est Moustapha Masri. Ce Tchadien métis, de culture nordiste et sudiste, maîtrisant parfaitement la religion chrétienne et musulmane et ayant fait le choix de la religion musulmane. Nous sommes des millions de ces Tchadiens métis, métis culturellement, par amitié, par alliance, etc. Ces Tchadiens se définissent appartenant à une seule entité Toumaï dans la multi-culturalité.

Vous étiez le vice-président du parti Les Transformateurs avant de vous rétracter, expliquez-nous ce qui a déclenché cette rupture ? En quittant ce parti pour en créer un autre, êtes-vous toujours de l’opposition ou de la mouvance présidentielle ?

M.M : J’avais relaté toutes les causes de ma démission le 27 octobre 2022. D’ailleurs à plusieurs reprises, lors de différents points de presse, j’y suis revenu. L’élément clé de ma démission de mon ancienne famille politique est le fait qu’elle ne garde plus notre idéologie, notre objectif et notre vision initiale. D’une manière insidieuse, étape après étape, tout doucement, le parti est sorti de son idéologie de base pour à tout prix conquérir le pouvoir. C’est cette déviation, ce déraillement politique qui nous a précipités frontalement dans le mur ce jeudi 20 octobre 2022. Le temps a fini par me donner raison. Je dis souvent que le meilleur juge est le temps. Voilà, il a tranché en ma faveur. Je suis entré dans le mouvement Le Transformateur par devoir, je l’ai quitté par devoir et j’ai créé ce nouveau parti Paix et Cohésion Sociale aussi par devoir pour panser les plaies. Pour qu’ensemble, nous puissions refonder un Tchad nouveau. Vous savez, insidieusement nous avons semé dans le cœur tchadien la notion de la haine et du rejet de l’autrui, le repli identitaire. Ce triste 20 octobre est une conséquence fâcheuse de ce déraillement idéologique. Ce jour-là, le summum a été atteint et au nom d’un seul individu, de son égo, de son ambition, de sa volonté, des vies humaines ont été jetées en pâtures. Le parti Paix et Cohésion Sociale est créé pour recoller toutes ces fractures socio-culturelles car nous pensons qu’en cette période de transition la paix et l’unité sont des éléments très importants. Rappelons que la transition n’est pas un pouvoir, elle se veut participative. En ce sens, nous, Tchadiens, sommes tous appelés à apporter notre pierre à la consolidation, à la construction de cette voie qui mène vers un Tchad meilleur.

Sommes-nous de la mouvance présidentielle ? Je viens de vous dire qu’en cette période de transition, l’on ne parle pas de pouvoir. La transition est dite participative. Il doit concerner tous les Tchadiens sans exception. Donc, nous soutenons cette transition vers un Tchad stable. C’est dans cet esprit que le Parti Paix et Cohésion Sociale ouvre ses portes à toutes et à tous. C’est dans cette lancée que nous sommes allés à la rencontre des autorités du pays notamment le Président de la République, le Premier Ministre, tant d’autres membres du gouvernement de l’Union nationale et nous allons continuer à cimenter cette cohésion en allant vers d’autres acteurs de la société civile et les personnes ressources sans distinction. Nous menons ces démarches afin d’être, tous, réunis autour de l’élément commun. Cet élément qui nous appartient tous est le Tchad qui fait de nous, les filles et fils de Toumaï. Nous citons souvent Antonio Gamsci qui dit que la crise c’est quand le vieux est mort et que le neuf ne peut pas naître et nous sommes dans un moment comme celui-là, et il a rajouté que de ce clair-obscur peut naître un monstre. Ce qui voudrait dire que nous devons être un parti rassembleur pour protéger le Tchad contre les démons, contre ceux qui veulent le morceler, contre ceux qui veulent manipuler le peuple pour un dessein mesquin, contre ceux qui veulent semer la haine, la discorde et le chaos. Nous tendons la main à la transition pour qu’ensemble nous puissions bâtir ce bateau qui nous acheminera vers l’autre rive où il y a la cohésion pacifique. Voici brièvement comment nous nous définissons.

Que pensez-vous de la répression sanglante des manifestants contre la prolongation de la transition, ce jeudi 20 octobre 2022 sur l’ensemble du territoire ?

M.M : Il est très facile de dire que ce qui s’est passé ce jour 20 octobre est une répression sanglante des manifestants. Ceux qui le disent ou le pensent, amorcent un virage très court. Au nom de l’histoire, ce n’était pas une manifestation. C’était une insurrection ! Des Tchadiens ont été utilisés, manipulés, jetés en pâture. Ils se sont légués pour s’en prendre à leurs compatriotes. Parmi les morts, il y avait des camarades Transformateurs, mais aussi des Tchadiens qui ont été attaquées à cause de leur appartenance ethnique, confessionnelle et régionale. Nous serons de ceux qui diront l’histoire au nom de la vérité. Nous n’édulcorons pas la vérité. Les événements du 20 octobre ont été choquants, douloureux, écœurants et tragiques. Ils marqueront négativement l’histoire déjà sombre de notre pays. Nous sommes de cette ère politique qui sera marquée de façon indélébile de l’avant et de l’après 20 octobre. Ceci reste un très mauvais souvenir. Nous devons nous relever pour bâtir un Tchad sur la sincérité, la vérité et la bonne foi. Sans ces trois éléments nous ne pourrons pas atteindre l’autre rive où se trouvent la cohésion et la paix. Tous ces morts, toutes ces personnes qui ont eu des souffrances physiques, morales, psychologiques, etc. et toutes celles qui ont cru à notre engagement politique restent à jamais dans nos mémoires et nos cœurs.

Qu’est-ce qui fait la différence entre MASRI et MASRA ?

M.M : Je n’aime pas m’élever et me comparer à une quelconque personnalité car la comparaison fait naître l’égo : l’absence de l’humilité. Si Masri doit être défini un jour, je laisse l’histoire le faire. Tout ce que je peux dire en ma personne est ceci : je porte la cohésion sociale, l’unité et la paix. Nous, Tchadiens, de tout horizon, appartenons à une seule entité appelée Toumaï. Bref, par mes origines, je porte le métissage d’un Tchad diversifié (cultures, langues, religions, régions, …). Le reste, comme je l’avais dit, je laisse la génération future le peaufiner.

Le Président de la Transition Son  Excellence Mahamat Idriss Déby Itno a toujours prôné le dialogue, la réconciliation et la cohabitation pacifique et a organisé le DNIS (Dialogue National Inclusif et Souverain) où l’on a vu la participation des politico-militaires (suite à l’accord de Doha) et très récemment le 31 octobre dernier, la Transition et le parti Les Transformateurs ont signé un accord dit de principe amnistiant les auteurs des massacres du « jeudi noir » (20 octobre 2022), quelle lecture faites-vous de ce jeu politique ?

M.M : La seconde phase de la transition est définie par le DNIS qui prône le dialogue, la réconciliation et le pardon. C’est la raison pour laquelle ce dialogue a vu la participation de plusieurs acteurs notamment les politico-militaires, la société civile, les chefs religieux et traditionnels, les activistes qui sont venus de différents horizons après tant d’années d’exil. Ceci est le fruit de la main tendue, du pardon et de la réconciliation prônée par le Président de la transition, le Général Mahamat Idriss Déby Itno. Dans cette lancée politique dont l’objectif est l’unicité dans la diversité, le parti Paix et Cohésion Sociale s’aligne de facto derrière la transition car notre crédo est Paix et Cohésion sociale. En effet, les éléments qui consolideront notre ferme attachement et notre lien avec le parti au pouvoir sont la sincérité, la vérité et la bonne foi. Sans ces trois éléments fondamentaux, nos efforts pour bâtir un Tchad, havre de paix sont vains. D’ailleurs, lors de l’une de nos sorties politiques et médiatiques, nous avons dit ceci : nous croyons à la transition, avons confiance au Chef de l’État et à son gouvernement de l’Union nationale. Nous croyons à la sincérité, la vérité et la bonne foi des autorités impliquées pour la réussite de la transition. Le seul porteur du pardon, de la réconciliation mais aussi des réparations ne peut être que l’État lui-même. Aucun individu, aucun parti politique ne peut avoir la présomption de dire qu’il est le porteur de la réconciliation. Nous connaissons nos acteurs politiques, nous savons leurs modes opératoires, ils ne surfent que sur les peuples en les endoctrinant pour le seul but d’atteindre leurs intérêts égoïstes et mesquins. Nous croyons que le seul garant du pardon, de la réconciliation, des réparations, de l’amnistie, de la paix et de tout ce qui peut suivre est uniquement l’État en qui nous faisons entièrement confiance. En dehors de l’État, il n’y a aucun acteur, aucune dénomination politique ou religieuse qui peut prétendre semer tout(e) seul(e) la réconciliation, le pardon et la paix.

Savez-vous que les victimes des événements du 20 octobre ne sont pas seulement dans un seul camp ou parti politique ? Les personnes non concernées ou intéressées par les activités politiques ont été visées. Des domiciles des particuliers ont été ciblés parce qu’ils appartiennent à tel clan ou telle ethnie. Donc, un seul parti ou acteur politique ne peut pas se dire porte-parole ou garant des victimes des événements du 20 octobre. Seul l’État à travers son Chef peut porter garant et recoller tous les morceaux dispersés pour un Tchad réconcilié où règne la paix.

Qu’est ce qui a pu amener Dr Succès MASRA qui avait refusé la main tendue de Déby père à saisir comme par envoutement celle de Déby fils ? Pourquoi ce virage très brusque à 180° degrés de votre ex-associé politique ?

M.M : Lorsque nous avons démissionné, ils nous ont attribué tous les qualificatifs très négatifs. Le premier acteur du parti Les Transformateurs lui-même disait que mon équipe et moi sommes des « Blaise Comparé » et que lui et ceux qui n’ont pas renié le parti Les Transformateurs sont les « Thomas Sankara ». Vous constatez aujourd’hui que le temps nous donne raison. D’ailleurs, nous disons souvent que notre seul juge est le temps et l’histoire. Tout de même, nous n’allons pas rester figés à démêler ou piocher le passé. La vie est un livre qu’il faut tourner la page pour découvrir le contenu. Donc, nous tournons cette page de mésententes et dissonances et tendons la main à nos compatriotes. Si cette réconciliation avait eu lieu plus tôt les événements tragique du 20 octobre auraient pu être évités. Nous n’allons pas pour autant rejeter ou repousser autrui en le jugeant pour les erreurs commises par le passé. Nous, en tant que parti promoteur de la paix et la cohésion pacifique, n’allons pas jeter l’opprobre sur les autres. Nous ne l’avions pas fait lorsqu’il fallait répondre aux provocations et critiques acerbes contre notre personnalité. Donc, nous ne le ferons pas non plus en tant que messagers de la paix. Nous cherchons plutôt à bâtir notre pays sur la sincérité, la vérité et la bonne foi. Que cesse la politique politicienne et manipulatrice. Qu’on arrête d’exploiter le peuple à des desseins personnels. Si nos compatriotes du parti Les Transformateurs ont pu comprendre qu’ils étaient sur la mauvaise voie, qu’ils soient les bienvenus. Cependant, nous devons tous savoir que sans la sincérité, la vérité et la bonne foi, il n’y a aucune cohésion sociale, aucune réconciliation.

Le 17 décembre 2023, les Tchadiens sont appelés à se prononcer par un référendum sur la forme de leur Etat : Unitaire ou Fédéral. Quelle est la forme que vous souhaiteriez avoir si vous avez les rênes du pouvoir ?

M.M : Nous sommes les premiers parmi tous les autres, lors de la présentation de notre parti Paix et Cohésion Sociale à la nation tchadienne et au monde entier, le 08 juillet 2023, à appeler tous les Tchadiens à voter le « oui » pour un État unitaire fortement décentralisé car nous sommes des porteurs de l’unité, de la cohésion sociale et sommes les ambassadeurs de la paix. Beaucoup pensent que nous avons déjà essayé l’État unitaire fortement décentralisé. C’est faux. C’est la première fois que l’État unitaire fortement décentralisé est adopté par la constitution tchadienne. Si ce choix vient à être voté par le peuple, mis en application dans sa forme et son fond, il est pratiquement équivalent à la fédération que certains préfèrent que nous l’adoptons. Le Tchad est un pays qui tente de sortir des cendres de guerres, de clivages linguistiques, régionaux, claniques, confessionnels, etc. donc le système qui serait compatible à un tel pays est bel et bien l’Unitarisme et non le fédéralisme qui nous maintiendrait dans le rejet de l’autre et toutes les formes de dichotomies précitées. Disons-le clairement, nous sommes pour le OUI et mobilisons nos différents comités qui sont plus de 80 à N’djaména et une cinquantaine dans les provinces pour le jour « J » du 17 décembre 2023. Si la génération actuelle veut sortir la tête des eaux boueuses du marécage et bâtir un solide pont pour les générations futures, c’est maintenant qu’il faut se lever et aller faire le choix du OUI pour la paix, la cohésion sociale et le développement.

La transition vient de célébrer l’an un de sa deuxième phase post-dialogue national, quel bilan pourriez-vous dresser ? Positif ou négatif ?

M.M : Le bilan de l’an Un d’une transition débouchant sur le DNIS est un bilan positif. Il est positif car la quasi-totalité des recommandations prises lors de cette messe nationale ont été respectées. Les priorités de la transition sont l’unité, la sécurité des biens et personnes, le pardon et la réconciliation des peuples tchadiens. Nous le constatons aujourd’hui par la main tendue de la transition au parti Les Transformateurs pour ne citer que celui-là. L’élément fondamental de la réussite de la transition est le retour à l’ordre constitutionnel. Nous acheminons vers le référendum à l’issue duquel le peuple tchadien aura la forme de l’État voulu. Ensuite, viendront les élections au cours desquelles le Président de la République, les députés, les gouverneurs, etc. seront librement élus dans la transparence.

Après le printemps arabe, l’Afrique noire francophone est balayée par une tempête soviétique sinon russe qui, tour à tour, a englouti le Mali, le Burkina et le Niger. Ces pays, contrairement au Tchad, recouvrent désormais une totale indépendance politico-économique face à la France, l’ancienne puissance colonisatrice. Selon vous, qu’est-ce qui expliquerait ce déclic, ces coups d’État en série ?

M.M : Votre question est très pertinente. Nous croyons au partenariat gagnant-gagnant et sommes du côté de ceux qui veulent aspirer à la souveraineté et à une totale indépendance. Je ne crois pas que la meilleure solution aux maux qui empoisonnent notre environnement socio-politico-économique est de quitter une puissance partenaire pour une autre. Ceci n’est que du blanc bonnet, bonnet blanc. Le nœud des problèmes qui freinent l’émergence socio-économique du continent noir est l’éducation de base, l’absence d’une prise de conscience nationale. Si un peuple est conscient de la misère, du sous-développement, etc. dans lequel il gît, ce n’est pas une puissance extérieure qui l’empêcherait de se relever. Attention ! Il faut noter que les coups d’État n’ont jamais été une solution favorable à une sortie de crises. L’un des défauts de la jeunesse africaine est qu’elle ne se replonge pas dans le passé. L’on dit que l’histoire bégaie souvent lorsque l’on ne lui prête pas attention. Les générations de nos pères ont connu pas mal de coups d’État mais cela n’a pas déclenché une « révolution industrielle » sur le continent. Il y avait certes, l’apparition des acteurs politiques engagés tels que Thomas Sankara, Kwamé Kourouma, … qui ont marqué l’histoire du continent par leurs idéologies. Malheureusement, tous ces pays n’ont pas pu sortir de la spirale de guerres et des violences qui sont les principales causes de nos misères. Ainsi, nous sommes totalement contre les prises de pouvoir par la force ou les voies non démocratiques. Nous ne sommes pas dans la logique de ceux qui croient que la cause de leurs malheurs est extérieure. Je m’en vais citer un artiste musicien ivoirien Apha Blondy qui disait dans l’une de ses chansons ceci : « Les ennemis de l’Afrique sont les Africains eux-mêmes. Les Algériens égorgent les Algériens, les Rwandais massacrent les Rwandais, les Angolais brûlent l’Angola, …».

Quels conseils donneriez-vous à la jeunesse tchadienne pour son émancipation socio-politico-économique ?

M.M : Je ne cesserais pas de marteler à la jeunesse de bien accomplir ses devoirs citoyens en œuvrant pour l’unité de la nation. J’interpelle la jeunesse à s’engager massivement dans la politique car la politique si tu ne la fais pas, tu dois la subir. Pour nous, l’apolitique est une notion abstraite. Chaque jeune doit à son échelle, à son niveau, à ses limites, etc. s’impliquer au développement de son environnement socio-économique en pratiquant par exemple l’entrepreneuriat. L’État n’est pas une entité extérieur, l’État c’est nous. Nous devons nous atteler en cette période charnière de transition à retrousser les manches en accomplissant normalement nos devoirs les uns envers les autres. L’Etat est le reflet de nos actions.

Le Président de la transition Mahamat Idriss Déby Itno a certes fait des concessions avec tant d’opposants politico-militaires et civils. La plus récente et marquante est l’accord de principe signé le 31 octobre 2023 à Kinshasa ayant permis le retour au bercail de son farouche « rival politique »; Dr Succès Masra, Président du parti Les Transformateurs. Qu’en est-il du développement économique du pays qui passe forcément par le développement de l’appareil judiciaire? Peut-on bâtir un Tchad nouveau sur le népotisme, le clientélisme, l’impunité, la corruption, etc.?

Le logo du parti Paix et Cohésion Sociale (PCS). © Moustapha Masri


Tchad : le puissant clan Itno déroule le tapis rouge au farouche opposant d’un système séculaire et dynastique

Deux semaines après son retour inopiné et moins de 24 heures après son discours aux militants, le farouche opposant au régime des itno, le Président du parti les Transformateurs, Dr Succès Masra est reçu au palais présidentiel par Son Excellence, le général Mahamat Idriss Déby Ino. Qui avait cru que ceux qui faisaient le jeu du chat et de la souris allaient se retrouver sous un même toit pour décortiquer les maux qui gangrènent et désintègrent le tissu socio-politico-économique de leur pays? Après tant d’accords politiques infructueux dans le passé, celui-ci apportera-t-il enfin la paix tant recherchée par le peuple du Tchad?

D’un exil « forcé » à un retour discret sur la terre des ancêtres

Après les événements sanglants du 20 octobre 2022 ayant coûté la vie à une cinquante de personnes selon le gouvernement, plus de 300 morts selon le parti Les Transformateurs, les Ongs et les partis de l’opposition notamment Wakit tamma, de nombreux pionniers de l’opposition civile ont dû fuir le pays de Toumaï (terre de l’hospitalité). L’opposant Succès Masra, selon ses propos « je ne suis pas un exilé politique, je suis venu porter la voix de mon peuple auprès de la communauté internationale », saisit l’occasion pour faire la navette entre la Maison Blanche (Washington) et l’Elysée (Paris) et se dit porteur de message de son peuple sur la scène internationale.

A quelques jours du funeste anniversaire de la manifestation violemment réprimée dans le sang, le chef des Transformateurs annonca tout à coup son retour sur la terre de ses aïeux en fixant une date : le 18 octobre 2023. Cette date retentit comme une bombe atomique au tympan des dinosaures et vieux caïmans d’un régime vieux de 33 ans. Le parti au pouvoir qui, depuis quasiment un an, avait eu un peu de répit, et dormait sur son oreiller, sursauta, se réveilla, tendit les oreilles, se redressa sur ses pattes et concocta son plan machiavélique pour empêcher le retour de celui que beaucoup considérait comme le « messie », le « sauveur » d’un peuple asservi. Ne sachant qu’elle arme utilisée, les gladiateurs et les va-t-en guerre du « royaume » des itno remuèrent terre et ciel, tous les casiers judiciaires où ils extirpèrent un vieux dossier poussiéreux datant de juin 2023. Ils la divulguèrent, la presse s’en saisit et en fit un tollé. Un mandat d’arrêt international est lancé contre celui qui est devenu le « nguru » des diplômés sans emploi, des sans voix, des laissés pour compte et des marginalisés de la société civile. Du coup, Dr Succès Masra prétextant craindre un autre accrochage entre les siens et les « mercenaires » de Déby II (Mahamat Itno), annula la date de son retour tant attendu par « son peuple ». Ledit mandat d’arrêt est un chapelet interminable d’accusations dont voici la teneur :

  • Tentative d’atteinte à l’ordre constitutionnel ;
  • Atteinte à l’autorité de l’État ;
  • Incitation à la haine et à un soulèvement insurrectionnel ;
  • Atteinte à l’intégrité du territoire nationale ;
  • Atteinte contre les institutions de l’État.

L’accusé réfute toutes ces accusations et les trouvent non fondées en les traitant de « vrai faux mandat d’arrêt ». Comme le coup fatal d’un boxeur, ce qu’il qualifia de mensonges politiques montés de toutes pièces contre sa personne, semble l’étourdir et lui ôter un peu le sommeil. Dans la foulée, « le Président du peuple » saisit Paris et le facilitateur de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) pour scruter cette affaire de plus près. La médiation de la CEEAC en la personne du Président congolais FélixTshisekedi porte des fruits.

Le 31 octobre 2023, à Kinshasa, le Congolais réussit à réconcilier les deux rivaux tchadiens. Le pouvoir de N’djaména fut représenté par deux de ses ministres, celui de la Réconciliation nationale Abderaman Koulamallah et de la Communication Aziz Mahamat Saleh. L’autre partie engage bien sûr le fondateur du parti Les Transformateurs entouré par ses lieutenants dont son vice-président Dr Yombatina Béni. Le point focal de cet accord de principe est l’amnistie de toutes les personnes qui sont dans le collimateur de la justice tchadienne dans un camp ou dans l’autre. De facto, le mandat d’arrêt émis contre le leader du « peuple » est suspendu. Cet accord ne fait pas l’unanimité au sein de l’opposition et la société civile. Yaya Dillo du parti Socialiste Sans Frontière (PSF) et Max Kemkoye le président national de l’Union des démocrates pour le développement et le progrès (UDP) dénoncent une obstruction à la justice et martèlent que nul n’est au-dessus de loi. Les responsabilités de la répression sanglante et barbare du jeudi 20 octobre 2022 doivent être situées. Ainsi, les autres partis de l’opposition (la coalition wakit tamma), les politico-militaires non signataires de l’accord de Doha, la société civile, … ne se sentent pas concernés par l’accord de Kinshasa. Selon, Masra, la transition a fait un pas, le parti Les Transforformateurs a aussi fait pas et le Tchad fait un pas vers la justice et l’égalité.

Dr Succès MASRA, le Président du parti Les Transformateurs. Crédit photo: Wikipedia Commons
Dr Succès Masra escorté par « son peuple » au Palais de Justice. © Wikipedia Commons

Du Balcon de l’Espoir au Palais Rose

Dans un après-midi calme, ensoleillé, sous un ciel pur, ce 03 novembre à N’djaména, les militants de Dr Succès MASRA ont été surpris par le retour de leur leader après une réconciliation avec le clan Itno, 72 heures plus tôt. Après quasiment un an d’exil, pourquoi « le Président du peuple » remet-il les pieds sur la terre de ses ancêtres en toute discrétion sans un accueil triomphant à l’aéroport ? Quelles sont en définitive les bases de cet accord de principe signé le 31 octobre à Kinshasa sous l’égide du Congolais Félix Tshisekedi » ? Telles sont les questions suspendues sur les lèvres de ses partisans et sympathisants.

Pour beaucoup, l’essentiel est que leur chef soit là et en forme pour la marche vers la terre promise ; terre d’abondances et de libertés. Une période de recueillement de 40 jours a été décrétée en honneur des victimes du « jeudi noir ».

En revanche, à peine deux semaines après son retour dans le calme au pays natal, Dr Succès Masra, rompt le silence en pleine période de deuil et recueillement en mémoire des membres du parti, tombés sous les balles réelles des militaires et policiers. Ce dimanche 19 novembre 2023, à partir de 15 heures, une marée des militants envahit l’espace du « Balcon de l’Espoir » pour écouter le premier discours au grand public de  leur guide politique. Après un bain de foule en ébullition et l’observation d’une minute de silence en mémoire des « martyrs » de la justice et de l’égalité, la prêche commence et dure environ une heure. Contrairement aux messages d’avant 20 octobre, ce fut un discours non incisif, apaisant les esprits vifs, pansant les plaies encore béantes et appelant à la réconciliation avec le camp d’en face. Il invite ses militants à dire non à la vengeance non pas par faiblesse ou capitulation mais dans un élan patriotique pour qu’ensemble ils bâtissent un Tchad juste et prospère. Avec un peu d’humour, le plus célèbre homme du 7e Arrondissement de la ville de N’djam évoque la co-gestion de la chose publique. « Désormais mon « frère », le général Mahamat Idriss Déby et moi allons être les co-pilotes de la transition. Nous aurons, certes, des zones de turbulences, mais ensemble, nous conjuguerons nos efforts pour poser en toute sécurité, toute douceur, toute quiétude la transition à l’aéroport de la démocratie où nous attendent la justice et l’égalité». Ces paroles, comme de l’huile jetée sur le feu, enflamment la foule qui laisse éclabousser une pluie d’applaudissements. Comme pour ne pas offenser, le camp des Itno, désormais allié, Succès esquive les points chauds et culminant sur lesquels le peuple et le gouvernement de « Kaka » l’attendaient. Il s’agit de l’amnistie des auteurs du massacre de ce triste jeudi et le référendum éminent sur la forme de l’Etat (unitaire fortement décentralisé ou fédéral) qui se tiendra le 17 décembre prochain. Le leader des Transformateurs n’a pas du tout mentionner le mot référendum dans son discours. Aucune orientation, aucune consigne de vote n’a été donnée aux militants pour le vote du 17décembre. Interrogés, les « supporters » de l’opposant se disent qu’ils ont toujours confiance à leur leader car il sait pertinemment sur quel terrain il pose les pieds.  Certains se réservent et préfèrent laisser le temps juger ce virage à 180 degrés. La messe politique prend fin par un hymne national et le prédicateur de ce dimanche regagne sa villa sous une pluie d’acclamations.

Moins de 24 heures après son discours, le Tchadien qui était si peu de temps auparavant le plus recherché par la justice de son pays est reçu par son désormais ex-rival le Général Mahamat Déby au palais présidentiel. « Nous sommes là pour donner suite à l’accord de Kinshasa qui est un accord de réconciliation. Nous sommes venus annoncer notre disponibilité à mettre sur la table les solutions qui aideront à résoudre les questions que les Tchadiens se posent de jour en jour et pour permettre au Tchad de se développer. », laisse entendre l’opposant de retour sur la terre de ses ancêtres. Le Président de la transition, Déby fils se dit toujours prêt à travailler la main dans la main avec tout le monde. Il tend toujours la main à l’opposition y compris les politico-militaires. Cette rencontre s’est déroulée sous la présence du ministre congolais du Transport et Voies de communications Didier Mazenga Mukanzu, envoyé spécial du facilitateur de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac), le président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo.

Un militant Transformateur. Crédit photo: Veivra Noël
Un grand meeting des Transformateurs au stade de N’djaména. ©Wikipedia Commons

Les attentes du peuple tchadien

Le citoyen lamnda qui, après la dictature des années 80 de Hissein Habré, espérait aspirer à la paix et au développement sous le vent de la liberté et de la démocratie en 1990, croupit toujours sous le poids de la misère. Malgré l’exploitation de l’or noir depuis 2010, le masse broie le noir dans le noir (manque d’électricité, de combustibles et une cherté de vie incompréhensible, inexpliquée et inexplicable). En vérité, le clan Itno est au bord du chaos car il ne résout pas les problèmes cruciaux de la population: chômage, corruption, clientélisme, pauvreté, … Toutes ces tares sont nourries par une impunité macroscopique presque légiférée. L’homme le plus recherché du Tchad, et qui à la surprise de ses militants vient de tendre la main au fils de celui qui pendant 31 ans avait mené le peuple en bateau, pourra-t-il peser de sa popularité pour changer les choses de l’intérieur? Laissons le temps au temps pour juger et mesurer la portée de cette réconciliation inespérée.

Le logo du parti Les Transformateurs. Crédit photo: Wikipedia Commons


L’électricité dans la capitale du pays des Sao, une denrée très rare

L’électricité joue un rôle crucial dans le développement de la société, mais son accès reste largement insuffisant dans la vie quotidienne des Tchadiens et en particulier dans celle des habitants de N’Djamena. Les foyers et les entreprises font face à d’énormes difficultés en raison des fréquentes interruptions d’alimentation électrique. Le manque de courant est l’une des principales causes des faillites des microentreprises, contribuant à l’augmentation du coût de la vie et du taux élevé de chômage dans la région.

Déboires et gémissements des N’djaménois

Le jour comme la nuit, N’djam ronronne et bourdonne. Les vrombissements de vieux moteurs de groupes électrogènes donnent l’impression que la capitale est une ville active, en pleine activité et perpétuelle mutation. En effet, ces bruits expriment les lamentations, les gémissements et les grognes des N’djaménois qui, en plus de la cherté de vie et d’une pauvreté abjecte, doivent accepter de plonger la tête dans une nuit d’encre. C’est dans cet environnement hostile aux affaires que madame Cathérine Maïpa, directrice d’un atelier de soudure dans le 6ème Arrondissement de la capitale nous relate ses difficultés. « Mon équipe et moi veillons à l’atelier pour attendre l’arrivée du courant électrique afin d’exécuter les grandes œuvres. Le jour, la SNE (Société Nationale d’Electricité) nous coupe le flux électrique et nous nous débrouillons toute la journée avec un petit groupe diesel qui ne peut pas couvrir toutes nos activités ». La raréfaction de l’électricité impacte sur les prix de plusieurs articles notamment les barres de glace, les yaourts, les boissons calorifiques, les photocopies, etc. Comme si cette coupure ne suffit pas, il faut ajouter la pénurie des carburants (essence et gasoil) et parfois celle des gaz combustibles. Youssouf Abdallah, un boutiquier de Chagoua dans le 7e Arrondissement s’enflamme et vocifère en ces termes : « Comment peut-on se développer sans énergie électrique ? Comment peut-on réaliser des bénéfices lorsque nos produits laitiers se décomposent dans les congélateurs et qu’il faut dépenser une autre somme d’argent pour se procurer un groupe électrogène ? ». Rebecca Lekouanodji, la tenancière d’un bistrot sur l’Avenue « Mathias Ngartery » de râler et débiter son ras-le-bol : « On n’en peut plus. Si cette coupure de courant électrique persiste, je risquerais de fermer mon établissement faute de bénéfices et attendre ma mort! ». Lorsque que j’ai recueilli les propos de cette jeune femme, mon coeur a saigné. A travers les galères de ces petits entrepreneurs, il faut voir celles de toute la ville et au-delà celles de tout un peuple. L’Etat doit dare-dare songer à soulager les populations face à cette crise énergétique.

Promesses non tenues

Les N’djaménois sont plongés dans une obscurité ténébreuse ces derniers temps ! De Déby 1er (père) à Déby II (Mahamat Idriss Déby), les promesses pour (enfin) désenvoûter la terre des Itno sinon dans une moindre mesure la capitale de vieux démons qui la maintiennent dans les ténèbres n’ont été que du vent. Après trois décennies aux commandes, le Maréchal Idriss Déby Itno (MIDI), à chaque campagne présidentielle, présente aux populations un programme alléchant, bien concocté et chargé de très belles initiatives. Tous ses projets s’articulaient autour de l’accès à l’eau potable et à l’électricité en passant par le bitumage des routes, l’érection des universités, des écoles, des lycées, des hôpitaux modernes, etc. sur l’ensemble du territoire. Dès qu’il tournait le dos aux peuples, remettait les pieds dans son somptueux palais au bord du fleuve chari, le demi-dieu inamovible et indécrochable MIDI y immergea et noya les piles de promesses faites aux concitoyens! Ne dit-on pas qu’en politique les promesses n’engagent que celles et ceux qui y prêtent foi ? Les plaintes, les lamentations, les supplications de son électorat n’ont jamais été entendues !

Tel père, tel fils

A peine intronisé Président d’une transition dont le compteur est remis à zéro après le Dialogue National Inclusif et Souverain (boycotté par une grande partie de l’opposition), le Général Mahamat Idriss Déby Itno, fils du Président MIDI, faisant semblant de mettre les petits plats dans les grands, marche parfaitement dans les pas de son prédécesseur. En un temps record, le tout jeune prince, investi « roi », parcourt toutes les provinces du pays où il sème à tout vent les mêmes promesses faites il y a plusieurs années par son défunt père. Le tout nouveau « capitaine » de bord avait promis après son investiture de sortir la capitale des nuits ténèbreuses en triplant d’ici 2023 les capacités de production énergétique. Un pari que son ministre de l’énergie n’a pas pu honorer. Exaspéré par cet échec, les supplications et prières des N’djaménois, le Président de transition relève le directeur de la Société Nationale d’Électricité (SNE) de ses fonctions et le remplace par un haut gradé de l’armée. Une partie de la population avait cru un instant que cet homme en kaki usera son statut militaire afin de faire régner l’ordre et mettre fin à ces coupures intempestives d’électricité. Erreur d’appréciation gravissime car les délestages en courant électrique demeurent interminables. Beaucoup d’arrondissements sont totalement, plusieurs jours d’affilée, plongés dans l’obscurité à la tombée de la nuit. La grogne sociale ne cesse de s’amplifier. Le tout jeune locataire du palais rose serait gêné par les lamentations de son peuple. Ainsi, comme pour exaucer les prières des N’djaménois, le Président de transition débarque Monsieur Djérassem Le Bémadjiel, ministre des hydrocarbures et de l’énergie et confie les clés dudit département à Madame Ndolonodji Alexi. La population s’interroge sur le bien-fondé de ce limogeage car Déby II comme Déby 1er serait passé à côté des foyers des maux qui gangrènent, détériorent et désintègrent le tissu socio-économique du pays. La fin du calvaire en besoins énergétiques n’est pas pour lendemain.

Une lueur d’espoir ou une énième duperie 

Il est tout à fait absurde de vouloir expliquer la non électrification de la ville de N’djaména jusqu’à ses environs car le pays des Itno (32 ans au pouvoir, s’il vous plaît !) est membre de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole). Comment peut-on comprendre qu’un pays producteur et exportateur de l’or noir soit dans le noir dès le crépuscule? Pour se laver le front après une telle longévité au pouvoir et pour redonner espoir d’un changement positif à la population de la capitale, le Président de transition vient de lancer un gigantesque chantier de construction de deux centrales solaires à N’djamena. Ces deux projets pharaoniques permettront de générer 65.000 MWh d’électricité par an soit l’alimentation de plus de 260 000 habitants. En dépit de ces projets éléphantesques en exécution, la majeure partie de la population de N’djaména est sceptique en ce qui concerne l’indépendance énergétique.

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Une centrale photovoltaique. Crédit photo: Iwaria

L’électricité est un élément essentiel et fondamental pour le développement socio-économique de la population. Dans les villes industrielles, la coupure d’électricité pour une « petite » seconde engendre des dégâts matériels et économiques considérables.

En attendant ces nuits éclairées, N’djam doit implorer le ciel pour que ces projets salvataires ne soient pas un énième mirage, un éléphant blanc car avec les autorités tchadiennes il faut toujours s’attendre à une surprise désagréable.


Les derniers week-ends du mois à N’djam

A N’djam, les week-ends qui bouclent le mois sont toujours explosifs malgré la cherté de vie sur l’ensemble du territoire national. La morosité du climat socio-polico-économique n’empêche pas les jeunes « branchés » et « cablés » de la capitale du pays des Sao à bringuer, s’évader comme pour fuir leurs galères. Généralement en cette période du mois, par effet magique ou angélique, N’djam se réveille, s’émerveille, s’égaie en dissimulant momentanément ses lamentations et gémissements.

Le mois touche à sa fin, N’djam en mode festive

Tic-tac, les secondes s’égrènent, les jours filent comme une étoile filante, les semaines et les mois se succèdent. Les années passent mais N’Djaména, contrairement à d’autres villes de la sous-région, ne se métamorphose pas du point de vue architectural. Au contraire, les week-ends, surtout ceux qui marquent la fin du mois, dans les quartiers « chauds », « branchés », « connectés », mouvementés et effervescents, se ressemblent, se mesurent et se concurrencent en cadences, vibrations et sonorités musicales. La fréquence des activités de réjouissance s’amplifie, s’intensifie lorsqu’un mois se meurt lentement et se fait succéder par un autre. Vers la fin de chaque mois, l’on croirait que tous les N’djaménois sont des agents de l’État (fonctionnaires). Beaucoup de chauds gars et de belles nanas bringueuses ont toujours ce langage sur les lèvres : « Oh mon gars ou ma chérie, le virement (salaire) là n’est pas encore passé ? ». On dirait que « le virement » est la marque d’une de nombreuses boissons importées vendues sur la place ou celle d’une voiture des mariés comme l’on est en week-end ; jours (vendredis et samedis) de la célébration des mariages souvent pompeux à la municipalité centrale de N’Djaména.

L’Avenue Mgr. Mathias Ngartéry (Axe CA7 appelé « Axe Babylone »). Crédit photo: Veïvra I. D. Noël

Avenue Mathias Ngartéry appelée Axe Babylone

En un dernier week-end du mois, je vous invite à vous joindre à moi et à faufiler l’une de ces rues poussiéreuses où l’alcool coule à flots. Par hasard, empruntons la rue baptisée Monseigneur Mathias Ngartéry (en mémoire et honneur au feu Archevêque de N’Djaména) au quartier Chagoua dans le 7ème Arrondissement de la coquette capitale. Cette avenue appelée Axe CA7 en référence au commissariat dudit arrondissement est connue également sous l’appellation de « Axe Babylone » (Ville des pécheurs Cf. la Sainte Bible) par les habitués, les noctambules et initiés du petit coin. Ici, les bars dancing, les buvettes ou débits de boissons sont à la queue leu-leu. Les hôtels, les auberges appelées par effet dissuasif hébergements ne sont qu’à un petit crochet, un petit détour ou au plus un jet de pierre de ces lieux où l’on court le risque de se noyer dans un océan d’alcool. En vérité, il faut noter que ces établissements sont des « vraies industries alimentaires ». Grâce à eux de nombreuses personnes joignent les deux bouts du mois. En commençant par les conducteurs des mototaxis appelés « clandomen » (clandestins) dont beaucoup sont des diplômés sans emploi, les gardiens (vigils) des parkings, les vendeurs et vendeuses de poissons (maquereaux) braisés, viandes grillées, les ambulants, etc.

Dans ces endroits « éveillés », le soleil ne se couche jamais ! En d’autres termes, si les activités dans un tel lieu explosif sont interdites ou mises en veilleuse, la ville est dite morte, paralysée et tant de ménages risqueraient de s’éclater, s’ébranler, se fondre ou partir en fumée, faute d’argent. En nous rapprochant de Khadi Milamem, une quadragénaire et tenancière d’un bistrot de la place, nous apprenons qu’elle nourrit huit bouches et scolarise six âmes avec ce travail car son mari n’a pas une situation financière stable. À côté de madame Khadi, se trouve un jeune charcutier Youssouf Brahim, à qui nous parvenons à soutirer quelques précieuses informations sur son chiffre d’affaires après avoir dégusté un plat de « marara » (boyaux) bien chaud et pimenté. Ce dernier nous siffle ceci à l’oreille : « Je rends grâce à Allah le Tout-Puissant car en dépit de la cherté de vie qui réduit drastiquement le pouvoir d’achat de mes clients, je récolte en moyenne 80.000 francs CFA (123 euros) par jour ».

Une pluie de billets d’invitation

En général, calme comme l’eau qui dort dans la jarre d’un célibataire fauché par la galère, N’djam se réveille soudainement vers la fin du mois, bat très fort ses ailes et lance son cocorico comme pour annoncer l’aurore qui marque le début des « hostilités » ou plutôt des soirées festives. Un petit détour dans les quartiers explosifs, tumultueux notamment Moursal appelé Marseille, Paris-Congo (en souvenir du Rallye Paris-Congo), Ardep-djoumal appelé Harlem, Chagoua dit Chicago, Walia (Washington), Habbena (Abidjan), Dembé (Dallas), etc., pour découvrir l’effervescence, l’ambiance surchauffée des « branchés » et inhaler l’odeur presque opaque et suffocante des parfums émanant des nanas très sexy et excitées à la course de premiers clients.

Dans ces quartiers, sur certaines rues, les bars, les alimentations, les cabarets (débits de boissons traditionnelles et locales), les auberges appelées par modestie hébergements ou hôtels sont alignés en série comme les guirlandes de Noël. Parfois, l’on peut être apostrophé, interrompu et se voir tendre un billet d’invitation à une « tontine » (soirée) souvent appelée « Pari-Vente et/ou Carpe ». Nombreux sont les jeunes de la capitale qui tendent des « embuscades » à la fin du mois, lors des fêtes de Ramadan, Noël, Pâques, Nouvel An, etc. pour distribuer ces billets ironiquement appelés « Convocation ». Malheur au copain (bébé) ou à la copine (nana) qui ne se présente pas le jour « J » au lieu (bar) indiqué. À ce lieu, les prix des consommations grimpent. Compris généralement entre 650 ou 800 FCFA (la bouteille de sucrerie ou d’alcool), les prix passent à 1.000 FCFA ou 1.500 FCFA. Ceci pour permettre au promoteur, ou promotrice, de la soirée dansante de gagner un peu d’argent. Car celui ou celle qui « convoque » investit une certaine somme d’argent pour louer le local toute une soirée, le débit de boissons en plus de la sonorisation. Ainsi, les recettes de la journée reviennent au locataire. D’où le mot « Pari ». Car l’on peut s’en sortir « Gagnant(e) » ou « perdant(e) » dans ce « business périlleux ».

C’est aussi généralement dans ces lieux que certains fonctionnaires, pères de famille, viennent engloutir leurs pitances du mois entre les mains ou plutôt entre les cuisses et les seins de leurs maîtresses oubliant qu’ils n’ont pas payé le loyer, les factures d’eau et d’électricité, la nourriture, la scolarité de leurs enfants, etc. S’il est vrai que ces lieux nourrissent tant de bouches et de ménages, il est aussi vrai qu’ils fracassent tant de foyers et brisent tant de cœurs.

Le parking d’un bistrot sur l’Axe CA7. Crédit photo: Veïvra I. D. Noël

Pour botter la pauvreté hors de nos frontières, que chaque chef de ménage, homme ou femme, se comporte comme un entrepreneur qui, avant d’investir, fait des projections en déterminant les tenants et les aboutissants de ses affaires. Que l’on soit célibataire ou marié(e), nous devons avoir un comportement sobre, modéré vis-à-vis de l’alcool afin d’épargner pour les jours à venir car personne ne sait pas comment sera le lendemain. L’État doit aussi réglementer la création de ces lieux de détente, de jouissance, recréation, etc. afin de permettre à sa jeunesse de se concentrer sur son éducation, son émancipation, son épanouissement, etc.


Tchad : l’an un de la deuxième manche de transition, sous la loupe de Yaya Dillo, le Président du PSF

A la veille du premier anniversaire de la transition post Dialogue National Inclusif et Souverain (DNIS), j’ai eu l’honneur d’être accueilli par Monsieur Yaya Dillo Djerou Betchi, Président du parti Socialiste Sans Frontière (PSF), un parti de l’opposition dont le siège national est situé au quartier Chagoua dans le 7ème Arrondissement de la ville de N’djaména à quelques mètres de l’Ambassade des États-Unis d’Amérique au Tchad. Voici la substance de notre bref entretien avec l’homme qui est resté droit dans ses bottes face à Déby 1er (père) qui avait dirigé le Tchad d’une main de fer de 1990 à 2021.

Bonjour Président et merci de nous avoir grandement ouvert les portes du siège national de votre parti politique. S’il vous plaît, pourriez-vous vous présentez à nos lecteurs(trices) ?

Yaya DILLO : Monsieur Yaya Dillo, Président du Parti Socialiste sans Frontière (PSF).

Vous étiez récemment à couteaux tirés avec votre vice-président Monsieur Dinamou Daram? Comment est actuellement votre relation avec ce dernier ?

Yaya DILLO : Comme vous l’aviez suivi. Nous avons animé une conférence de presse pour expliquer au public que nous nous sommes réconciliés, il s’est retracté et le torchon ne brûle plus entre nous.

Reconnaissez-vous la légimité du Président actuel de la République, Président de la transition Mahamat Idriss Déby Itno?

Yaya DILLO : Si je reconnais cette légitimité, je serais dans le CODNI, le DNIS, le gouvernement, etc. Ce pouvoir est anticonstitutionnellement acquis et je ne peux pas le cautionner. Raison pour laquelle le PSF est toujours dans l’opposition.

Que pensez-vous du referendum (portant sur la création d’un Etat unitaire ou fédéral) qui vient au galop?

Yaya DILLO : Cette consultation referendaire ne sera qu’une mascarade.

Pourquoi une mascarade ?

Yaya DILLO : Les conditions d’un referendum transparent, équitable, juste et démocratique ne sont pas réunies.

Quelles sont les voies que vous souhaiteriez que la transition emprunte pour cette consultation referendaire ?

Yaya DILLO : Nous vous informerons des stratégies à adopter au moment opportun car on a encore du temps. Ce dont on est certain, le PSF ne va pas danser politiquement au rythme de tambour du parti au pouvoir (Mouvement Patriotique du Salut (MPS)).

Présentement le président du parti Les Transformateurs, Dr Succès MASRA est en exil. Que pensez-vous de cet exil?

Yaya DILLO : C’est vous qui le dites car de sa propre bouche Dr. Succès MASRA, Président du parti Les Transformateurs, disait qu’il est en tournée et avait été désigné par ses militants pour aller communiquer à l’extérieur. Vous me divulguez une information que je n’avais pas et d’ailleurs je ne sais pas ce qu’il a derrière la tête afin de me prononcer à sa place.

Que pensez-vous du mandat d’arrêt émis contre Dr Succès Masra, il y a quelques jours ?

Yaya DILLO : Je crois que c’est une fausse alerte voire une histoire montée de toutes pièces. Le mobile de cette accusation est que Succès Masra aurait appelé une partie du Tchad, notamment les compatriotes sudistes, à mener une lutte à main armée contre le pouvoir en place. C’est purement et simplement un procès politique. Tout le monde le sait. C’est lorsqu’il avait ouvertement annoncé son retour en donnant une date précise (18 octobre 2023) que ce mandat d’arrêt daté de juin 2023 jaillit subitement comme un volcan endormi. Pourtant, lorsque ce mandat était à l’état latent, les partenaires internationaux, les ambassadeurs des pays influents et amis, des bailleurs de fonds, etc. ont plaidé pour l’apaisement du climat politique au Tchad après l’événement tragique du 20 octobre 2023. Succès Masra devrait au contraire se vanter de cette publicité gratuite que la « justice partiale » est en train de faire autour de son nom. Ceci constitue un avantage politique pour lui. Il devrait être serein car cette affaire n’est que de l’eau froide versée sur un canard.

Dans ce climat politique délétère au Tchad, comment projetez-vous l’avenir politique du pays ?

Yaya DILLO : Il m’est très difficile de me faire tout de suite une image de ce que va ressembler le Tchad sur le plan politique. De la manière que les choses se passent, on attend pour voir plus clair et net. L’atmosphère politique est pour le moment très polluée. Si « Mahamat Kaka » se présente aux élections, il y a d’autres moyens qui nous permettront de  déterminer avec aisance la qualité du destin de notre pays. La tenue du prochain referendum, si le peuple tchadien ne se dresse pas contre cette mascarade et que par la suite Kaka réussit à mettre sur pied une commission électorale à sa manière, d’ailleurs la cour constitutionnelle dans sa composition actuelle n’est qu’une cour des copains et courtisans, je crois que nous ne parlerons plus de démocratie au Tchad ! Une dictature va s’implanter pour plusieurs décennies et cela sera très dommage pour les Tchadiens. Il est temps que nous, Tchadiens, prenons conscience de toutes ces dérives politiques : la tenue du prochain referendum et la présentation aux élections futures du chef de la junte contrairement aux résolutions de l’union africaine et celle de la chartre africaine. Bref, le Tchad prendrait un mauvais départ si le peuple se laisse faire.

Le Président de transition vient de commémorer l’an un de la deuxième phase de transition. Selon vous, qu’est-ce qui a été fait et qu’est-ce qui reste à faire ?

YaYaya DILLO : Jusqu’à présent je ne vois aucune œuvre, aucune action positive. Le tableau est totalement noir. Je m’en vais vous citer quelques éléments. Sur le plan social, la cherté de vie prend toujours et quotidiennement de l’ampleur. La flambée des prix de denrées de première nécessité sur le marché menace dangereusement la sécurité alimentaire. Le peuple n’a ni eau potable, ni électricité, ni carburant, ni combustible. La précarité est sévère. La santé et l’éducation sont à l’abandon! Sous d’autres cieux, la « junte intelligente » au pouvoir supprime les frais de scolarité. Chez-nous, d’un côté, on dit que l’école est gratuite mais d’un autre l’on augmente les frais de scolarité en rendant la vie très difficile aux parents. Sur le plan économique, le pays est étranglé. La corruption est érigée en mode de gouvernance. Les édifices publics sont bradés à un franc symbolique. L’administration publique n’est que l’ombre d’elle-même. La justice est totalement gommée. L’impunité est ovationnée par l’Etat. La dya a remplacée le droit pénal. Le régime tue et après revient payer la dya à hauteur de 200 millions par individu, tout cela en puissant dans la caisse du Trésor public. L’armée nationale est une honte nationale. Au nom de la réforme, les vendeurs de thé ou de pastèques, des commerçants, des civils sans formation, sans la moindre expérience ont été promus au grade de général et nommés ci et là Gouverneurs sans compétences administratives. Tenez-vous bien ! Comment pouvez-vous expliquer que des civils ayant fait leur entrée dans l’armée en 2021 sont déjà nommés généraux ? Aujourd’hui, le Tchad compte plus de trois à quatre mille colonels et lieutenant-colonel! En surfant sur les réseaux sociaux, vous remarquerez que telle communauté réclame l’élévation des leurs au grade de Général dans l’armée. A la fin de transition, Mahamat Idriss Déby aura entre dix et vingt mille Généraux. Avec ce nombre pléthorique de généraux qui va commander qui ? Au nom de la reforme la pyramide est renversée. L’armée tchadienne n’a aucun honneur ! Sur l’aspect sécurité, les tueries et les massacres intercommunautaires se poursuivent. Le Tchad d’aujourd’hui n’est pas différent de celui de 1979 où l’on parlait d’un Etat néant. Voici le résumé, en trois ans de transition : le Tchad recule cent ans !

Quelle est la voie de sortie ?

Yaya DILLO : La seule issue est que le 17 décembre (date du referendum) les Tchadiens se dressent comme un seul homme contre la mascarade de cette supposée consultation.

Seriez-vous prêt à aller aux élections (présidentielle et législatives) dans ces conditions ?

Yaya DILLO : Dans un tel environnement politique malsain, nous ne pouvons pas nous lancer à la course au fauteil présidentiel. Nous nous battons en ce moment pour assainir le paysage politique. En tout cas, on ne sait jamais! Avec des stratégies bien maîtrisées même si le mécanisme électoral est bancal, on peut être de l’intérieur et infliger une défaite à ceux qui croient le tripatouiller.

Que voulez-vous dire par « être de l’intérieur »?

Yaya DILLO : Accepter de participer au jeu politique dont les règles sont dictées par la mouvance présidentielle en utilisant toutes nos ressources afin de démasquer la moindre fraude.

Quels conseils prodigueriez-vous à la jeunesse tchadienne?

Yaya DILLO : Le seul conseil que je peux donner est ceci: le Tchad de demain commence aujourd’hui par les efforts conjugués de la jeunesse. L’avenir du Tchad repose sur les épaules de sa jeunesse qui doit prendre conscience de sa misère en brisant toutes les barrières linguistiques, culturelles, confessionnelles, etc. Cette jeunesse doit être unie contre ceux qui veulent lui imposer la dictature sous toutes ses formes.


Championnat de football : en terre Sao, on sait aussi taper dans le ballon !

Vous auriez gravement tort de croire qu’au pays de Toumaï, l’on ne sait pas jongler avec le ballon rond. Ce dimanche 23 juillet, après avoir bénéficié d’une grâce matinale arrosée par une douce pluie, les amoureux du ballon rond de la coquette capitale N’djam se sont donné un « rencard » pour une partie très pimentée, un choc frontal sans précédent, un derby titanesque, un duel final des gladiateurs. C’est la finale tant attendue de la quatrième édition du Championnat de football du Tchad.

Tribune officielle du Stade de Diguel. Crédit photo : Veîvra I. D. Noël

Cet après-midi, sous un ciel parsemé de nuages tantôt cotonneux, tantôt grisâtres qui couraient, planaient, se bousculaient, se disputaient une place au-dessus du beau stade de Diguel dans le huitième arrondissement de la capitale, les fous amoureux du ballon rond, comme un essaim d’abeilles, s’y sont agglutinés. Ces bulles de gaz chargées de pluie semblaient rappeler au public sahélien que l’on est en saison des pluies et qu’il ne faut jamais ignorer leur visite parfois inopinée en été. Sur le regard de nombreux supporters, venus pousser les deux clubs finalistes au sommet du foot tchadien, se dessine une inquiétude quant à la tombée des gouttes de pluie.

Un public survolté lors de la finale du Championnat du Tchad. Crédit photo: Veïvra Noël

Une première mi-temps plutôt équilibrée

Match programmé, match dû ! Vers trois heures de l’après-midi, les 22 acteurs font leur apparition sur le rectangle vert sous une pluie d’applaudissements d’une marée humaine en ébullition. Après deux semaines de compétition très disputée, les deux meilleures équipes du championnat de Toumaï sont face à face. Il s’agit de l’Elect Sport FC, champion en titre, un club parrainé par la Société Nationale d’Électricité (SNE) et de l’AS PSI, une formation portée par le groupement spécial antiterroriste. Contrairement à la finale de l’année dernière, celle-ci oppose deux formations de la capitale. Ces dernières ont émergé de deux poules composées chacune de six équipes représentant les 23 provinces du Tchad.

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Le premier coup de sifflet du dernier match de la quatrième édition du championnat de football en terre Sao vient de retentir. Le premier quart d’heure fut un moment de se jauger, se mesurer et de déterminer le style de jeu qu’il faut poser et imposer à son adversaire. Au fur et à mesure que les minutes s’égrènent, les masses d’air qui assombrissaient le ciel et présageaient une précipitation disparurent et l’inquiétude qui se lisait sur le visage des supporters se dissipa. Les rouges (AS PSI) prennent l’ascendance, pressent très haut et interpellent à tout temps le gardien de Elect Sport. Le club « anti-terroriste », en dépit de sa nette domination, n’a pas pu dynamiter la défense des jaunes et noirs. Après 45 minutes, le maître du jeu renvoie les prétendants au sésame national au vestiaire. Le public excité, survolté, surchauffé et électrisé par les gestes techniques des joueurs de l’AS PSI doit patienter pour voir un tir mourir dans le filet d’un camp ou l’autre.

Une deuxième manche à sens unique

En deuxième mi-temps, les pensionnaires de la SNE, qui doivent défendre leur titre, sont outrageusement dominés par les assauts des « anti-terroristes ». Elect Sport ne parvient pas à électrocuter son adversaire. L’équipe souffre, subit, multiplie les faux gestes et finit par craquer à la 87ème minute (un but dans son camp). Le stade explose ! Les jeunes athlètes de l’académie militaire viennent de faire sauter les verrous de la défense en acier de l’Elect. Les supporters de l’AS PSI hurlent, s’extasient, s’enjaillent, s’enflamment tandis que ceux de l’autre équipe ont les yeux embués et les deux mains derrière la tête. Comme l’appétit vient en mangeant, poussés par leurs supporters, les joueurs de l’AS PSI maintiennent la pression et obtiennent un coup franc sanctionné par un carton rouge contre un joueur de l’Elect Sport à la 90ème minute. Au coup de sifflet final de cette épique finale, les rouges s’imposent un à zéro et décrochent leur premier titre national qui vaut 15 millions de francs CFA (environ 23.000 euros). Les vaincus se contentent du tiers de la valeur de la couronne nationale.

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Une soif de buts étanchée en toute fin de rencontre. Crédit photo : Veïvra I. D. Noël

Les invités d’honneur

Pour donner une mention spéciale au spectacle, la FTFA (Fédération Tchadienne de Football Association) et le Ministère de la Jeunesse – Sport ont invité deux anciennes gloires africaines voire internationales de la planète football. Le probable plus grand dribbleur et jongleur du ballon rond africain, le Nigerian Jay-Jay Okocha et la légende sénégalaise Khalilou Fadiga étaient présents ! Hissein Ousmane, le meilleur joueur du championnat du Tchad a eu l’honneur de recevoir son trophée des mains de l’ancien meneur de jeu nigerian et champion olympique 1996. Le trophée du meilleur buteur (12 buts) glané par Brahim Ousmane du club « Les Eléphants d’Amtiman » a été remis par la légende sénégalaise Fadiga.

« Jay-Jay » OKOCHA. Crédit photo : Pixabay
Khalilou FADIGA. Crédit photo : Pixabay

Ce championnat national permet de découvrir des talents footballistiques sur l’ensemble du territoire. Il revient au ministère en charge de porter au plus haut niveau les difficultés et les doléances de ces différents clubs venus des quatre coins du pays afin de hisser le football tchadien au niveau du continent.

Une victoire au goût amer

Malheureusement, à peine deux jours après sa brillante victoire, le tout nouveau champion du Tchad ne défendra pas les couleurs nationales à la prochaine Ligue africaine des Champions. L’AS PSI, meilleur club de la saison, est disqualifié par la CAF (Confédération Africaine de Football) ! Le club champion ne répond à aucun critère d’éligibilité au plus grand championnat de football du continent. Les conditions à remplir sont entre autres: l’existence d’un siège officiel, avoir un terrain d’entraînement aux normes internationales, une équipe féminine, etc. Ces exigences de l’instance africaine de football viennent abréger l’euphorie qui a suivi l’éclatante victoire de cette très jeune formation. Les conséquences de cette disqualification à la prochaine ligue africaine s’étalent au delà d’un simple club. Tant de footballeurs tchadiens en herbe sont abandonnés ! Quel gâchis pour le football au pays des Itno !

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