Tchad : l’an un de la deuxième manche de transition, sous la loupe de Yaya Dillo, le Président du PSF

Article : Tchad : l’an un de la deuxième manche de transition, sous la loupe de Yaya Dillo, le Président du PSF
Crédit: Yaya DILLO
5 novembre 2023

Tchad : l’an un de la deuxième manche de transition, sous la loupe de Yaya Dillo, le Président du PSF

A la veille du premier anniversaire de la transition post Dialogue National Inclusif et Souverain (DNIS), j’ai eu l’honneur d’être accueilli par Monsieur Yaya Dillo Djerou Betchi, Président du parti Socialiste Sans Frontière (PSF), un parti de l’opposition dont le siège national est situé au quartier Chagoua dans le 7ème Arrondissement de la ville de N’djaména à quelques mètres de l’Ambassade des États-Unis d’Amérique au Tchad. Voici la substance de notre bref entretien avec l’homme qui est resté droit dans ses bottes face à Déby 1er (père) qui avait dirigé le Tchad d’une main de fer de 1990 à 2021.

Bonjour Président et merci de nous avoir grandement ouvert les portes du siège national de votre parti politique. S’il vous plaît, pourriez-vous vous présentez à nos lecteurs(trices) ?

Yaya DILLO : Monsieur Yaya Dillo, Président du Parti Socialiste sans Frontière (PSF).

Vous étiez récemment à couteaux tirés avec votre vice-président Monsieur Dinamou Daram? Comment est actuellement votre relation avec ce dernier ?

Yaya DILLO : Comme vous l’aviez suivi. Nous avons animé une conférence de presse pour expliquer au public que nous nous sommes réconciliés, il s’est retracté et le torchon ne brûle plus entre nous.

Reconnaissez-vous la légimité du Président actuel de la République, Président de la transition Mahamat Idriss Déby Itno?

Yaya DILLO : Si je reconnais cette légitimité, je serais dans le CODNI, le DNIS, le gouvernement, etc. Ce pouvoir est anticonstitutionnellement acquis et je ne peux pas le cautionner. Raison pour laquelle le PSF est toujours dans l’opposition.

Que pensez-vous du referendum (portant sur la création d’un Etat unitaire ou fédéral) qui vient au galop?

Yaya DILLO : Cette consultation referendaire ne sera qu’une mascarade.

Pourquoi une mascarade ?

Yaya DILLO : Les conditions d’un referendum transparent, équitable, juste et démocratique ne sont pas réunies.

Quelles sont les voies que vous souhaiteriez que la transition emprunte pour cette consultation referendaire ?

Yaya DILLO : Nous vous informerons des stratégies à adopter au moment opportun car on a encore du temps. Ce dont on est certain, le PSF ne va pas danser politiquement au rythme de tambour du parti au pouvoir (Mouvement Patriotique du Salut (MPS)).

Présentement le président du parti Les Transformateurs, Dr Succès MASRA est en exil. Que pensez-vous de cet exil?

Yaya DILLO : C’est vous qui le dites car de sa propre bouche Dr. Succès MASRA, Président du parti Les Transformateurs, disait qu’il est en tournée et avait été désigné par ses militants pour aller communiquer à l’extérieur. Vous me divulguez une information que je n’avais pas et d’ailleurs je ne sais pas ce qu’il a derrière la tête afin de me prononcer à sa place.

Que pensez-vous du mandat d’arrêt émis contre Dr Succès Masra, il y a quelques jours ?

Yaya DILLO : Je crois que c’est une fausse alerte voire une histoire montée de toutes pièces. Le mobile de cette accusation est que Succès Masra aurait appelé une partie du Tchad, notamment les compatriotes sudistes, à mener une lutte à main armée contre le pouvoir en place. C’est purement et simplement un procès politique. Tout le monde le sait. C’est lorsqu’il avait ouvertement annoncé son retour en donnant une date précise (18 octobre 2023) que ce mandat d’arrêt daté de juin 2023 jaillit subitement comme un volcan endormi. Pourtant, lorsque ce mandat était à l’état latent, les partenaires internationaux, les ambassadeurs des pays influents et amis, des bailleurs de fonds, etc. ont plaidé pour l’apaisement du climat politique au Tchad après l’événement tragique du 20 octobre 2023. Succès Masra devrait au contraire se vanter de cette publicité gratuite que la « justice partiale » est en train de faire autour de son nom. Ceci constitue un avantage politique pour lui. Il devrait être serein car cette affaire n’est que de l’eau froide versée sur un canard.

Dans ce climat politique délétère au Tchad, comment projetez-vous l’avenir politique du pays ?

Yaya DILLO : Il m’est très difficile de me faire tout de suite une image de ce que va ressembler le Tchad sur le plan politique. De la manière que les choses se passent, on attend pour voir plus clair et net. L’atmosphère politique est pour le moment très polluée. Si « Mahamat Kaka » se présente aux élections, il y a d’autres moyens qui nous permettront de  déterminer avec aisance la qualité du destin de notre pays. La tenue du prochain referendum, si le peuple tchadien ne se dresse pas contre cette mascarade et que par la suite Kaka réussit à mettre sur pied une commission électorale à sa manière, d’ailleurs la cour constitutionnelle dans sa composition actuelle n’est qu’une cour des copains et courtisans, je crois que nous ne parlerons plus de démocratie au Tchad ! Une dictature va s’implanter pour plusieurs décennies et cela sera très dommage pour les Tchadiens. Il est temps que nous, Tchadiens, prenons conscience de toutes ces dérives politiques : la tenue du prochain referendum et la présentation aux élections futures du chef de la junte contrairement aux résolutions de l’union africaine et celle de la chartre africaine. Bref, le Tchad prendrait un mauvais départ si le peuple se laisse faire.

Le Président de transition vient de commémorer l’an un de la deuxième phase de transition. Selon vous, qu’est-ce qui a été fait et qu’est-ce qui reste à faire ?

YaYaya DILLO : Jusqu’à présent je ne vois aucune œuvre, aucune action positive. Le tableau est totalement noir. Je m’en vais vous citer quelques éléments. Sur le plan social, la cherté de vie prend toujours et quotidiennement de l’ampleur. La flambée des prix de denrées de première nécessité sur le marché menace dangereusement la sécurité alimentaire. Le peuple n’a ni eau potable, ni électricité, ni carburant, ni combustible. La précarité est sévère. La santé et l’éducation sont à l’abandon! Sous d’autres cieux, la « junte intelligente » au pouvoir supprime les frais de scolarité. Chez-nous, d’un côté, on dit que l’école est gratuite mais d’un autre l’on augmente les frais de scolarité en rendant la vie très difficile aux parents. Sur le plan économique, le pays est étranglé. La corruption est érigée en mode de gouvernance. Les édifices publics sont bradés à un franc symbolique. L’administration publique n’est que l’ombre d’elle-même. La justice est totalement gommée. L’impunité est ovationnée par l’Etat. La dya a remplacée le droit pénal. Le régime tue et après revient payer la dya à hauteur de 200 millions par individu, tout cela en puissant dans la caisse du Trésor public. L’armée nationale est une honte nationale. Au nom de la réforme, les vendeurs de thé ou de pastèques, des commerçants, des civils sans formation, sans la moindre expérience ont été promus au grade de général et nommés ci et là Gouverneurs sans compétences administratives. Tenez-vous bien ! Comment pouvez-vous expliquer que des civils ayant fait leur entrée dans l’armée en 2021 sont déjà nommés généraux ? Aujourd’hui, le Tchad compte plus de trois à quatre mille colonels et lieutenant-colonel! En surfant sur les réseaux sociaux, vous remarquerez que telle communauté réclame l’élévation des leurs au grade de Général dans l’armée. A la fin de transition, Mahamat Idriss Déby aura entre dix et vingt mille Généraux. Avec ce nombre pléthorique de généraux qui va commander qui ? Au nom de la reforme la pyramide est renversée. L’armée tchadienne n’a aucun honneur ! Sur l’aspect sécurité, les tueries et les massacres intercommunautaires se poursuivent. Le Tchad d’aujourd’hui n’est pas différent de celui de 1979 où l’on parlait d’un Etat néant. Voici le résumé, en trois ans de transition : le Tchad recule cent ans !

Quelle est la voie de sortie ?

Yaya DILLO : La seule issue est que le 17 décembre (date du referendum) les Tchadiens se dressent comme un seul homme contre la mascarade de cette supposée consultation.

Seriez-vous prêt à aller aux élections (présidentielle et législatives) dans ces conditions ?

Yaya DILLO : Dans un tel environnement politique malsain, nous ne pouvons pas nous lancer à la course au fauteil présidentiel. Nous nous battons en ce moment pour assainir le paysage politique. En tout cas, on ne sait jamais! Avec des stratégies bien maîtrisées même si le mécanisme électoral est bancal, on peut être de l’intérieur et infliger une défaite à ceux qui croient le tripatouiller.

Que voulez-vous dire par « être de l’intérieur »?

Yaya DILLO : Accepter de participer au jeu politique dont les règles sont dictées par la mouvance présidentielle en utilisant toutes nos ressources afin de démasquer la moindre fraude.

Quels conseils prodigueriez-vous à la jeunesse tchadienne?

Yaya DILLO : Le seul conseil que je peux donner est ceci: le Tchad de demain commence aujourd’hui par les efforts conjugués de la jeunesse. L’avenir du Tchad repose sur les épaules de sa jeunesse qui doit prendre conscience de sa misère en brisant toutes les barrières linguistiques, culturelles, confessionnelles, etc. Cette jeunesse doit être unie contre ceux qui veulent lui imposer la dictature sous toutes ses formes.

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