VEÏVRA IYE DARFINE NOËL

La musculation n’est pas exclusivement afro-américaine ou ouest-africaine

Une première au pays des Sao (hommes de grande taille) ! Du 13 au 14 juin 2023, Moursal, le quartier le plus explosif de N’Djaména dans le 6ème Arrondissement, a accueilli de jeunes gaillards et volumineux aux silhouettes imposantes et monstrueuses, venus des quatre coins de la capitale.

Le trentenaire Djasrangar Malachie, après avoir observé, identifié et sélectionné ces « catcheurs » aux puissants et intimidants pectoraux à travers les quelques rares salles de sport de la capitale Ndjam, a eu l’idée de les confronter. Ainsi, avec l’appui du Ministère de la Jeunesse et du Sport et de quelques particuliers, ce qui n’était au départ qu’un rêve prit une forme réelle, se matérialisa et fut baptisé « festival de culturisme« . Le centre culturel Talino Manu a eu l’honneur d’abriter la toute première compétition nationale des culturistes du Tchad !

La présentation des athlètes culturistes au public. Crédit : Veïvra I. D. Noël

Le culturisme, qu’est-ce que c’est ?

Sous une fine pluie, dans une atmosphère joviale, hilarante, mouvementée, cadencée et séquencée par de notes musicales afro-américaines, un animateur fait le show. Pour ouvrir le bal, l’un des coachs et membre du comité d’organisation de la toute première édition de la « compétition de musculation » au pays de Toumai a bien voulu planter le décor en élucidant aux nombreux spectateurs ce que c’est que le culturisme.

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« Comme tout autre sport, le culturisme est une activité physique qui exige beaucoup de normes. Son but est le développement de tous les muscles du corps. Ces jeunes compétiteurs qui sont présentement en face de vous et qui, certainement, vous impressionnent par leur physique n’ont pas hérité cette forme de leurs géniteurs ou ancêtres. Ils ont délibérément accepté de soumettre leurs masses corporelles aux intenses exercices physiques et à un régime alimentaire très spécial pendant plusieurs années. Cette discipline sportive à deux catégories liées au sexe. Il y a le culturisme « masculin » et le culturisme « féminin ». Donc, mesdames, mesdemoiselles, vous êtes vivement invitées à vous joindre aux groupes de ces jeunes aux dimensions hors normes. La musculation bien qu’elle ne soit pas assez répandue au Dar Toumaï (Tchad), elle n’est pas réservée au sexe dit fort. Que les filles ne se sentent pas exclues de cette discipline dont le premier rôle est de bâtir le corps tout entier. », laisse entendre l’entraîneur acclamé par un public bouillonnant et surexcité. Le D.J, comme pour signaler sa présence momentanément ignorée, laisse échapper un son aigu mais divertissant de ses puissants émetteurs. « La catégorie masculine – celle disputée par une vingtaine de jeunes pour cette première édition – a trois autres subdivisions : le physique masculin (qui s’intéresse uniquement à la partie supérieure du corps), le physique classique (présentation de toutes les parties du corps, excepté le postérieur) et le body fitness (qui englobe les deux précédentes subdivisions : toutes les parties du corps sont exhibées) », enchaîne-t-il. « Enfin, retenez que le culturisme est le moyen le plus efficace de « brûler » les masses de graisse qui vous gênent. L’obésité disparaît et fait place aux muscles stridents, saillants et luisants« , conclut l’un des managers et préparateurs physiques de ces athlètes aux épaules larges et éléphantesques.

Une démonstration de la présentation double biceps. Crédit : Veïvra I. D. Noël

Les différentes épreuves de la compétition

Après le mot d’ouverture et de bienvenue du promoteur Djasrangar Malachie et les lumineuses explications données par l’un des managers, place aux différentes épreuves de compétition. Elles sont, entre autres, la présentation du corps (les biceps, les pectoraux, les obliques et la jambe), la traction, le développé – couché, le soulevé de terre (masses de fer), le squat, le bras de fer, etc. Sous une pluie d’acclamations, le public très dense félicite les victorieux et encourage les vaincus. Certaines disciplines étaient très disputées au point qu’il a fallu à l’arbitre et aux membres de jury de reporter le challenge au lendemain (dernier jour). Même là, plusieurs « extra-times » ont été accordés afin de départager les acteurs titanesques confrontés !

Épreuve de traction des muscles. Crédit : Veïvra Noël
Développé – Couché Haltère. Crédit : Veïvra Noël

La remise des médailles

La période de la moisson est arrivée ! Faute de moyens financiers colossaux, seuls les finalistes (c’est-à-dire les deux premiers de chaque épreuve) sont primés. Sous des applaudissements, les médailles des heureux gagnants ont été remises par le Directeur général du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Promotion de l’Entrepreneuriat, représentant le Ministre dudit département. Les vice-champions, quant à eux, ont reçu leurs sésames (récompenses) des mains du président de jury de ce tout premier événement au pays de Toumaï. Les organisateurs, les membres du comité d’accueil, sans oublier le directeur du centre culturel Talino Manu, ont également reçu individuellement une médaille.

Les médaillés de la première édition de culturisme au Tchad. Crédit : Veïvra I. D. Noël
Un public attentif. Crédit photo : Veïvra I. D. Noël

Le mot de clôture

Monsieur Lwanga Kaldé Dingamnaïel, le Directeur général du Ministère de la Jeunesse, un homme fort, costaud, large et grand prit la parole à l’improviste et dit : « Je dois sincèrement l’avouer devant le public que j’ai été formé, pétri et façonné par le jeune Djasrangar Malachie, promoteur de cette compétition historique pour le Tchad. D’ailleurs, je ne suis pas le seul. Je prends la parole au nom des membres du jury dont beaucoup ont été aussi formés au centre de sport de Malachie. Au nom de ce groupe, je remercie infiniment ce jeune garçon audacieux et engagé dans cette discipline très peu connue et très peu pratiquée au pays de Toumaï, berceau de l’humanité. J’exhorte le public qui m’écoute en ce moment à embrasser cette activité sportive. En vérité, le culturisme n’a pas de limite d’âge. Que vous soyez enfants, adolescents, jeunes ou vieux, vous pouvez vous exercer au culturisme. Pour cela, je vous demanderais de laisser les « jahla », les « cales », le « nguerek » et toutes sortes de boissons locales, frélatées ou importées, les mararas (viandes et boyaux), les stupéfiants, etc. Merci au chaleureux et bouillonnant public et s’il plaît à Dieu à nous revoir à la prochaine édition ». Comme pour signifier au Directeur qu’il a bien reçu le message, le public l’ovationne par un vacarme d’applaudissements.

Le promoteur, de son côté, n’a pas caché sa vive émotion : « Après dix ans de création d’un gymnase et de coaching en musculation, j’ai bien voulu rassembler autant de jeunes de différents horizons, différentes cultures, différentes confessions, … En une compétition à l’échelle nationale. Je rends grâce à Dieu pour la réalisation de l’un de mes rêves. Je remercie vivement le Ministère de la Jeunesse et des Sports et de la Promotion de l’Entrepreneuriat, les médias privés et publics et tous ceux qui n’ont ménagé aucun effort pour nous soutenir et encourager sous plusieurs aspects. Cependant, les défis à relever sont encore énormes et nous sollicitons toujours les aides aux différentes institutions nationales ou internationales. Au public et surtout aux jeunes, filles et garçons, j’aimerais vous dire que le sport d’une manière générale est le médicament le plus efficace contre les maladies telles que les tensions artérielles, le goûte, etc. Le culturisme peu importe votre sexe ou âge, vous donne une santé de fer et un mental en acier. Le développement des muscles enjolive votre silhouette. Enfin, je demanderais à l’Etat tchadien à travers le Ministère de la Jeunesse et des Sports de placer les activités sportives au cœur de ses projets. Une jeunesse qui ne pratique pas le sport est une jeunesse « cadavérique ». Or, un adage africain dit que la jeunesse est le bâton de la vieillesse. Donc, si la jeunesse meurt, qui peut travailler pour le développement de la nation ? Je vous aime toutes et tous et espère vous retrouver dans les salles de sport de la capitale. A très bientôt, inch’Allah ! ».

Le message est très limpide ! Il n’est pas normal qu’un pays aussi vaste et très jeune comme le Tchad soit absent lors de différentes compétions sportives sous régionales et continentales. L’État tchadien doit investir dans le sport car la santé physique et mentale de sa jeunesse en dépend. Vivement à la deuxième « musculation » nationale, s’il plaît à Dieu !


N’djam, les raisons bouleversantes de la fracassante démission du directeur de la voirie municipale

A peine arrivé, aussitôt parti ! La nomination de l’activiste Ahmat Haroun Larry, le « Premier Maréchal de la société civile » n’est qu’un feu de paille !  Nommé directeur de la voirie à la mairie centrale de N’djaména, le 24 mai 2023 à la surprise générale, l’activiste jette aussi l’éponge par surprise en annonçant publiquement sur sa page facebook sa démission, ce 17  juin 2024. Quelques jours après la tempête de colère, dans un après-midi ensoleillé, sous un ciel pur, après maintes faufilements dans les ruelles boueuses du quartier Paris-Congo, je m’infiltre dans ses quatre murs. Là, je préleve avec précision la température de ce qui était son environnement professionnel. Chers internautes, chers lecteurs et cher public n’djaménois, voici aux millimètres près, les raisons qui ont poussé le tout jeune et fraîchement nommé directeur à la voirie de la coquette capitale N’djam a claqué violemment la porte de sa direction.

Ahmat Haroun LARRY, l’ex Directeur de la voirie municipale de N’djaména.
Crédit photo: Ahmat LARRY

Propos recueillis par Veïvra NOEL


Êtes-vous un activiste ? Si oui, pourquoi ? Qu’est-ce que vous défendez ?

LARRY : En vérité, je porte plusieurs casquettes. L’on m’attribue souvent celle d’un activiste que je réfute souvent car elle a parfois une connotation négative. D’ailleurs, les activistes sont connus pour leurs agitations. Ils agissent parfois sans tenir compte des garde-fous juridiques. Je me proclame « Objecteur de conscience ». Un acteur de la société civile car à travers mes critiques, j’apporte ma pierre à l’édification de la nation. Je suis le président du Groupe de Réflexion sur l’Avenir et la Construction du Tchad (Gractchad), le Secrétaire général du Collectif des Associations et Mouvements des Jeunes du Tchad. J’appartiens à plusieurs organisations de la société civile. En plus d’être un chercheur, un écrivain, je dis tout haut ce que je pense être bon pour et aux populations. Lors de mes déclarations, de mes coups de gueule contre la mauvaise gestion de la chose publique, lors de mes multiples sorties médiatiques, beaucoup me confondent aux activistes. Chacun est libre de dire ce qu’il pense de mes propos. En tout cas, je me positionne comme un acteur de la société civile qui milite ardemment pour un changement positif.

Comment êtes-vous propulsé à la tête de la direction de voirie de la mairie de N’Djaména ? Est-ce par un Arrêté signé par Son Excellence Monsieur le Président de transition Mahamat Idriss Déby Itno ou juste par relation comme on le dit souvent au pays ?

LARRY : Je suis l’une des rares personnes qui critiquent la gestion chaotique de la mairie centrale. D’ailleurs, le fait de vouloir trop scruter de près les « mouvements financiers » de cette institution, j’ai failli laisser ma peau, vous devriez vous en souvenir. J’ai été appréhendé trois fois et victime de plusieurs tentatives d’assassinat. Pour mes opinions contre la commune centrale, j’ai été jeté en prison pendant trois mois. J’ai beau militer pour le bon fonctionnement de la commune de la capitale. Sans prétention, je suis aussi l’un des rares acteurs de la société civile qui ont eu l’opportunité de travailler avec les différents élus du Tchad dans la gestion communale. Il y avait un projet financé par l’Union européenne qui pendait depuis 2018. L’objectif du projet était la bonne gouvernance locale en commençant par la mairie centrale face aux difficultés rencontrées. Pour mes critiques contre certaines activités très louches des maires qui se sont succédés à la commune, j’ai été plusieurs fois sollicité pour occuper des postes de responsabilité que j’ai maintes fois déclinés car j’ai mes principes. Si mes principes ne sont pas respectés, je ne peux pas accepter occuper le moindre poste donné car la gestion de la cité nous incombe tous. Si la sincérité, l’honnêteté, la transparence, le patriotisme, etc. sont absents de la gestion de la chose publique, je n’y m’engage pas. Cette fois, ils m’ont sollicité en me disant : « Comme vous critiquez toujours négativement la gestion communale, nous voudrions savoir ce que vous pouvez apporter comme nouveauté ». Pour cette énième sollicitation, après un long entretien avec Madame la Maire, j’ai cédé et accepté d’enfiler le costume du directeur de la voirie de la mairie centrale. Donc, pour répondre d’une manière directe à votre question, je n’ai pas été nommé par un Arrêté ministériel ou présidentiel. J’ai été nommé par Madame la Maire.

N’avez-vous pas convoité ou sollicité ce poste ?

LARRY : Je n’ai jamais sollicité un poste aussi grand qu’il soit ! Ceux qui me connaissent depuis les bancs du secondaire et de l’université vous le diront. Les différents postes des organisations civiles que j’occupe m’ont toujours été proposés. Par mon charisme, mon honnêteté, ma sincérité, ma dévotion, mes compétences, etc. j’ai souvent été sollicité. Je ne me suis jamais porté candidat à un poste. Dès qu’il n’y a pas la transparence dans le travail accompli, je suis prêt à me barrer.

Quelles ont été vos motivations avant votre nomination au poste du directeur de la voirie de N’Djaména ?

LARRY : Le peuple tchadien doit prendre conscience de la situation cataclysmique dans laquelle il se trouve. Le respect des droits fondamentaux et libertés des concitoyens. Nous sommes tous égaux devant la loi. Les compatriotes doivent revendiquer ce qui leur revient de droit. Nous devons prendre notre destin en main. Il est vrai que nous vivons dans un monde compétitif, très concurrentiel et parfois cruel. Cependant, il est très anormal qu’un groupuscule s’empare du gâteau national et laisse la masse périr. Le gâteau national doit être partagé équitablement. J’ai toujours combattu pour le droit des jeunes, des femmes et surtout pour l’égalité et la justice dans notre pays.

Quelles ont été vos principales attributions à la voirie ?

LARRY : J’avais quatre départements sous ma direction. Voici les rôles que doit assumer ma direction :

  • Gérer les stocks (matériels et matériaux de la commune) ;
  • Gérer et entretenir les patrimoines communaux, les parcs automobiles de la commune ;
  • Contrôler l’éclairage public, les panneaux de signalisation et les feux tricolores ;
  • Planifier et organiser les travaux d’entretien sur le terrain ;
  • Participer à l’élaboration, au dépouillement et à l’instruction des dossiers techniques d’appels d’offre,
  • Coordonner les travaux d’entretien courants des espaces verts, mettre en œuvre les plans et stratégies de gestion des espaces verts ;
  • Exécuter les programmes municipaux d’investissement dans le domaine des bâtiments, des travaux publics et des ouvrages hydrauliques de la voirie ;
  • Représenter la commune dans les réunions nationales ou internationales à caractères techniques.

Monsieur Larry, qu’est-ce qui cloche au sein de votre direction ? Il y a quelques jours, votre vidéo est devenue virale (buzz) sur les réseaux sociaux, pourriez-vous nous en dire plus ?

LARRY : En toute sincérité, rien et absolument rien ne marche dans mon service. Le bordel n’est pas seulement au niveau de la voirie, c’est toute la commune qui prend l’eau. Premièrement, soyons francs. Toutes les communes du Tchad, juridiquement parlant n’ont pas un statut. C’est par patriotisme que j’ai accepté de retrousser les manches et me mettre au service de la population. Malheureusement, le secrétaire général de la commune qui prétend être nommé par un décret présidentiel agit en maître absolu. En vérité, ce n’est pas Madame la Maire qui pilote la municipalité de N’Djaména. Toutes les prérogatives relatives aux services de voirie (éclairage public, pavoisement, embellissement des espaces verts, parcs automobiles, curage des caniveaux, appels d’offre…) ont été arrogées par le seul maître à bord à savoir le secrétaire général de la commune. Donc, vous pouvez déjà imaginer le rôle que je joue dans cette ordure. Je ne suis qu’un bonhomme implanté et figé au bureau. Les autres membres ne peuvent pas dénoncer ce genre de comportement malsain, incivique, arrogant, irrespectueux parce qu’ils sont mouillés et noyés. Je n’ai pas été désigné à ce poste pour faire le figuratif, me taire et me contenter de mes acquis. Comment pourriez-vous accepter que le curage des caniveaux qui est l’une des principales tâches de la voirie soit fait par une autre entreprise sous-traitante. Pourtant, la commune a des techniciens et ingénieurs formés et compétents qui veulent vraiment travailler. Tenez-vous bien ! Savez-vous à combien s’élève le service d’une société sous-traitante ? Ces entreprises fictives, pour une moindre tâche qui peut bel et bien être accomplie par nos techniciens à l’interne, sont payées à hauteur de 21 millions, 40 millions voire 100 millions de francs CFA. Quels gâchis ! Quelle déperdition ou hémorragie financière ! Le pire, comment pourriez-vous travailler dans une commune comme celle de N’Djaména avec trois vieilles bennes défectueuses ? Paradoxalement, les maires et autres responsables roulent en V8 et autres grosses cylindrées. Le véhicule affrété par l’Agence Française de Développement (AFD) pour le déplacement des agents de la commune a été saisi et envoyé hors du périmètre urbain pour un compte privé. Il a fallu que je hausse le ton en frappant le poignet sur table pour que cet engin soit remis au service de la voirie, trois jours avant ma démission. Il y a tant de comportements très louches que je ne peux pas tout relater. Après à peine 25 jours de service, je démissionne en gardant ma dignité et mon honneur vis-à-vis du peuple tchadien.

Que voudriez-vous dire à ceux qui étaient vos supérieurs ?

LARRY : Le seul message que j’ai pour eux est ceci. Ils doivent mettre fin à la dilapidation des fonds des contribuables et travailler pour le bien-être de la population. Qu’ils cessent de commettre des malversations (détournement des biens de la commune, maltraitance des agents, le favoritisme, le clientélisme, etc.).

Quel message avez-vous à donner à la jeunesse, aux autorités civiles et militaires ?

LARRY : La jeunesse tchadienne ne doit jamais désespérer. Elle doit toujours croire à un lendemain meilleur en s’inspirant de bons exemples de celles d’autres pays. Le Tchad nous appartient. C’est à nous de prendre nos responsabilités en mettant la main à la charrue. Aucune puissance extérieure ne viendra travailler à notre place. Quant aux autorités militaires, elles doivent faire très attention car le pays sombre dans le chaos. Après trois décennies du même régime et surtout militaire, nous déplorons la situation catastrophique dans laquelle le Tchad patine. L’instauration de la démocratie en 1990 par le Maréchal Idriss Déby avait suscité tant d’espoirs qui, malheureusement, se volatilisent et ceci est très dangereux pour notre pays.

Seriez-vous prêt à endosser un autre costume si la mairie centrale ou le Président de transition vous confie une autre tâche ?

LARRY : Je suis le premier maréchal de la société civile. Donc, je suis un soldat toujours prêt à travailler pour l’intérêt général ou national. Cependant, l’on doit me laisser travailler dans la transparence, l’honnêteté, la franchise, la sincérité, le respect, le patriotisme, etc. Sinon, je serais aussi prêt à dénoncer toute forme de mal gouvernance et à abandonner le poste pour lequel je suis affecté en demeurant un citoyen redevable à ma patrie.

Que répondriez-vous à vos détracteurs qui pensent que vos multiples sorties médiatiques visaient une place autour de la mangeoire du parti actuellement aux affaires ?

LARRY : La société a toujours été ainsi. Les êtres humains n’ont pas épargné Dieu le Tout-Puissant, lui-même, qui les a créés. Donc, un simple individu ne doit jamais faire exception. Il faut aussi bien analyser les critiques. Le plus souvent ces critiques acerbes contre ma personne émanent de ceux qui étaient aux affaires et géraient très mal la chose publique. Ceux qui me connaissent et savent ce que je fais doivent me juger sur mes actions. Je ne suis pas de ceux qui disent : « Faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais ». Je dis ce que je fais et pense. Je ne me cache pas car ma vie est publique. D’ailleurs, c’est tout à fait normal que je sois critiqué car je ne cesse pas, moi non plus, de parler de tout ce qui ne marche pas dans la société. En tout cas, mes juges sont la population et le Souverain Maître qui nous a créés à son image.

Monsieur Larry ne serait-il pas tenté par la politique ?

LARRY : Ecoutez ! J’ai une maîtrise en sciences politiques. Mais, faire la politique à la tchadienne une carrière, je n’en veux pas. Je n’appartiens à aucun parti politique car aucun homme politique n’a pu me convaincre par son idéologie. La « politique normative et authentique » est celle que je pratique quotidiennement en luttant pour le bien-être de mes concitoyens.

Pourquoi aviez-vous sillonné la capitale un certain temps avec un linceul sous le bras ?

LARRY : J’ai été menacé à mort par un groupe de militaires qui m’accusent à tort de les avoir insultés. Ces derniers me donnent un ultimatum en me sommant de quitter le Tchad sinon ils me mettront deux mètres sous terre ! Ne dit-on pas qu’un cabri mort n’a pas peur de couteau ? Ainsi, pour prouver à ces hors-la-loi que je suis un mort vivant, j’ai parcouru les quartiers de N’Djaména avec mon linceul sous le bras. Ce groupe de militaires dont je connais les supérieurs a fini par cesser les menaces sous la pression populaire.


Si après plus de 60 ans d’indépendance, les Tchadiens sont incapables de bien diriger la municipalité de la capitale que peut-on penser d’autres grandes structures, de grands secteurs ou grandes institutions? Chers compatriotes, ce n’est ni l’Occident, ni l’Orient, ni le Moyen ou le Proche-Orient qui viendra bâtir le Tchad pour nous et à nos petits-enfants. Comme Monsieur Ahmat Haroun LARRY, nous devons tous être des artisans pour le développement de notre nation. « Peuple Tchadien, débout et à l’ouvrage ! Ta liberté naîtra de ton courage », comme le dit si bien notre hymne national.


Le sang humain coule au Sud du Tchad, l’Eglise catholique implore le ciel

En soutien aux 17 victimes des massacres perpétrés au village DON dans la province du Logone Oriental, à 500 km au Sud de N’Djaména, le diocèse de la capitale place la journée du vendredi 19 mai 2023 sous un temps de prière et de recueillement.

Abbé Madou, curé de la Paroisse « Bienheureux Isidore Bakanja de Walia Goré », nous a ouvert les portes de son lieu de culte situé à la sortie Sud de N’Djaména de l’autre côté de la rive du fleuve Chari. Il a bien accepté répondre à nos interrogations en nous expliquant concrètement ce que l’Église catholique du Tchad, en l’occurrence celle du diocèse de N’Djaména, a décidé de faire ce vendredi. Voici la substance de notre entretien avec ce jeune prêtre.

Abbé Madou, curé de la Paroisse Bienheureux Isidore Bakanja de Walia Goré.
Crédit : Abbé Madou

Propos recueillis par Veïvra NOEL


L’archevêque métropolitain Edmond Djitangar a fait circuler un communiqué dans toutes les paroisses de son diocèse en invitant les fidèles de sa circonscription apostolique d’observer un jour de deuil, de recueillement, de collectes de fonds… pour témoigner la solidarité de son église en faveur de celle du diocèse de Goré où les actes horribles ont été orchestrés. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

Abbé MADOU : Le Tchad, depuis quelques années, subi des atrocités perpétrées (conflits agriculteurs et éleveurs) ici et là. Les récentes tueries du Monts de Lam dans le département de Goré constituent la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Le régime de transition en semant la désolation montre qu’il a totalement échoué. Il est inacceptable qu’une partie de la population soit armée contre une autre. Le Président de Transition Mahamat Idriss Déby Itno instrumentalise le Tchad. Pour ce régime, le Tchad n’est qu’un instrument qu’il faut utiliser pour détruire les populations sans remords. Pour marquer notre solidarité aux compatriotes et chrétiens sauvagement assassinés, l’évêque Edmond Djitangar invite les fidèles de son diocèse à observer un deuil, un temps de prière, de jeûne et de recueillement ce vendredi 19 mai 2023. Cette journée sera séquencée de la manière suivante dans ma paroisse : en premier lieu, nous implorerons l’intercession des Saints (Sainte Vierge Fatima, Saint Jean-Paul II, Sainte Theresa de Calcutta, Monseigneur Matthias Ngarteri et le Saint Patron de notre paroisse Saint Isidore Bakanja). Il y aura l’exposition du Saint Sacrement, le chapelet suivi du Chemin de Croix tchadien. Ce recueillement s’achèvera par la Messe avec des bougies allumées en mémoire de toutes les personnes lâchement assassinées par le régime de transition. Cette journée, je la place personnellement sous le thème : « Vendredi Catholique pour un Tchad fraternel et en paix ».

La Cathédrale Notre Dame de la Paix de N’djaména. Crédit Photo: Veïvra Noël

Pourquoi cette journée de jeûne, prière et collecte de fonds en solidarité à l’église catholique de Goré ne va pas se réaliser sur le plan national ?

Abbé MADOU : L’Église catholique est une hiérarchie. Je n’ai pas le pouvoir de vous répondre. Seul l’évêque peut vous donner une réponse. N’attendez pas que les autres portent assistance à une personne en danger avant d’agir. Il y a urgence et nous devons très vite agir. Raison pour laquelle l’Archevêque Edmond Djitangar n’attend pas qu’il y ait un sursaut épiscopal avant d’intervenir. Toutefois, il faut savoir qu’il y aura une rencontre des évêques autour de ce mal qui gangrène le Tchad et surtout les sudistes à majorité chrétienne.

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Croyez-vous qu’en exprimant vos peines, vos souffrances, vos lamentations, vos pleurs, etc. de cette façon, le régime actuel de transition peut vous entendre et tenter d’arrêter ce bain de sang sur l’ensemble du territoire tchadien ?

Abbé MADOU : Que le Président de la transition et tous ceux qui le soutiennent nous écoutent ou pas, nous avons un Être Suprême qui entend nos supplications. Que nos bourreaux soient armés jusqu’aux dents des fusils et armes de toutes sortes, nous (surtout chrétiens) avons la prière comme arme de combat. Nous sommes convaincus qu’en priant avec ferveur nous pouvons tout changer !

Le Chemin de Croix de Jésus-Christ ne s’est pas limité à Golgotha (Lieu des crânes), Christ a traversé toute la ville étant chargé d’une lourde poutre. Pour exprimer votre rage, pourquoi ce chemin de croix diocésain ou plutôt tchadien ne se fait pas d’une paroisse donnée jusqu’à la Place de la Nation ou à la Cathédrale ?

Abbé MADOU : Ce chemin de croix va se dérouler dans toute les paroisses du diocèse. Il n’est pas question d’exprimer une colère en cette circonstance. Nous ne sommes pas en colère. Nous sommes en deuil, en recueillement et surtout en temps de prière. Il faut aussi noter que l’Église catholique n’est pas un lieu de spectacle ou de folklore. « Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père ». (Mt 6.6).

Si après tant d’années de prière au nom de l’Unité nationale, musulmans, catholiques et protestants se rencontrent en novembre pour prier mais le clivage Nord-Sud (Musulman-Chrétien) prend des proportions démesurées, peut-on encore parler de paix dans un repli confessionnel, communautaire ou identitaire ? Les maux qui paralysent le développement socio-politico-économique au pays de Toumaï ont pour dénominateur commun l’injustice.


N’djam, ma capitale, capitale des boissons traditionnelles et locales

L’espace culturel Talino Manu, implanté dans l’un des quartiers les plus chauds, plus branchés, plus effervescents et plus bouillonnants de la capitale tchadienne, a accueilli du 30 mai au 4 juin 2023, la deuxième édition du Festival des boissons locales (FESBOL).

Pendant une semaine, au quartier Moursal, en plein cœur de N’djaména, on a pu savourer toutes les variétés de boissons faites à base des produits locaux et déguster les mets tchadiens. Le Festival des boissons locales a été créé pour promouvoir et valoriser les boissons traditionnelles et locales très concurrencées par les produits importés.

Crédit Photo : Veivra Noel

Comment le FESBOL est né

Après la première édition, voici en grande trompe la deuxième édition du Festival des boissons locales tant attendue par le public de N’Djaména et ses environs. L’idée et l’initiative sont portées par deux jeunes femmes téméraires, Beitoum Koussidi Christelle et Nerolel Mbounade Firmine, jeunes entrepreneurs, qui exercent dans l’agro-business (la transformation naturelle des produits locaux en jus ou boissons). La première est détentrice de la micro entreprise Hopy Juice et la seconde dirige une start-up dénommée Nerolel Juice.

Ces deux amies ont décidé de fusionner leurs idées mûries en prenant le taureau par les cornes. Elles ont réussi à drainer après elles quelques actionnaires financiers locaux. Les fonds récoltés leur ont permis de concrétiser leurs initiatives : le FESBOL. Cette deuxième édition accueille une cinquantaine de start-ups agro-alimentaires qui se disputent les parcelles de l’espace cultuel Talino Manu au tarif oscillant entre 50.000 Fcfa et 75.000 Fcfa.

Pourquoi le FESBOL

« Au mot boisson beaucoup de personnes associent automatiquement l’alcool. Pourtant, l’eau, le thé, le café, le lait ou le yaourt que nous consommons quotidiennement sont aussi des boissons. », explique Christelle, co-fondatrice du festival. « FESBOL a pour principal objectif de promouvoir, valoriser et rendre visibles nos boissons naturelles concoctées à base de tamarin, citron, souchet, gingembre, pastèque, jujube, oseille, mangues, etc. Bref, nous utilisons les fruits saisonniers de chez-nous. Cette deuxième édition est animée sous le thème : « REDYNAMISONS NOS ACTIVITES AUTOUR DES BOISSONS LOCALES » », poursuit-elle.

Jus de sésame, citron, tamarin et soucet. Crédit photo : Veivra Noel

Ambiance festive

Dès l’entrée de l’enceinte Talino, l’accueil est hyper chaleureux et l’atmosphère électrique ! De gauche à droite du grand portail, les stands sont bondés des étals devant lesquels se frottent, se bousculent, se congratulent les invités ou clients au visage radieux. Les prix de ces denrées « made in Chad » varient entre 500 Fcfa et 5.000 Fcfa. Assis au milieu de la cour, avec une tasse du jus de baobab que je sirote avec gaîté, j’observe un jeu concours très captivant.

Les candidats, aux yeux bandés, la bouche armée d’une tige, doivent dans un premier temps introduire le tube en plastique dans une bouteille de boisson préalablement décapsulée placée devant eux. Puis, au moyen du conduit, ils doivent aspirer le contenu (jus ou boisson alcoolisée) et donner au public le nom de la boisson qu’ils sont entrain de siroter. C’est un moment hilarant car beaucoup de concurrents n’arrivent pas à introduire le tube dans leur bouteille. Beaucoup de ceux qui ont réussi à le faire ne parviennent pas à donner le nom exact de la boisson traditionnelle dégustée. Le public s’enjaille, s’enflamme et l’atmosphère devient de plus en plus électrique ! Dans l’extase et l’euphorie, une invitée s’exclame : « Wow, je me sens vraiment tchadienne et chez-moi en consommant les jus de fruit du Tchad. En plus de cela, l’animation (la musique) est 100% tchadienne ! ».

Concours d’identification de la bouteille et du contenu. Crédit Photo: Veïvra Noël
Amis regroupés autour d’une boisson traditionnelle, la « bili-bili ». Crédit Photo : Veïvra Noël

Cap sur le prochain FESBOL

Au sortir du festival, Christelle et Nerolel remercient vivement tous ceux et celles qui les ont encouragées et soutenues matériellement et financièrement. Cependant, elles ne cachent pas les difficultés financières, énergétiques (électricité) et matérielles (emballages, bouteilles, étiquettes…) auxquelles les start-ups tchadiennes d’une manière générale font face. A travers Mondoblog, elles lancent un appel vibrant, un strident S.O.S aux autorités tchadiennes, aux ONGs nationales et internationales, aux entreprises, aux personnes de bonne volonté, etc de leur venir en aide. Elles sont animées par la volonté de vulgariser les boissons traditionnelles du pays de Toumaï et croient fermement que la prochaine édition peu importe le lieu sera plus palpitante, alléchante, pimentée et mouvementée. Le rendez-vous est pris, inch’Allah, au FESBOL 2024.


Au pays de Toumaï, l’agriculture et l’élevage sont en guerre

L’agriculture et l’élevage, mamelles de l’économie tchadienne, perdent de leur robustesse. Les principaux acteurs de ces deux leviers économiques, chaque saison des pluies, se dressent les uns contre les autres, s’accrochent et s’entredéchirent dans un bain de sang.

Un champ de maïs, crédit photos Pexels

Le conflit sanglant entre agriculteurs et éleveurs

La faim chasse le loup hors du bois. Le réchauffement climatique et son interminable chapelet de malheurs, l’assèchement très rapide des cours d’eau temporaires et la disparition d’herbe fraîche, poussent les éleveurs à sortir de leur zone. Ces derniers à la recherche de verts pâturages et de points d’eau descendent progressivement de la zone sahélienne (Nord et Centre du Tchad) à la rencontre des premières pluies : c’est la transhumance. Cette dernière occasionne le rapprochement (géographique, seulement) entre éleveurs-nomades (avec le bétail) et agriculteurs-sédentaires (qui restent à proximité des champs labourés dans lesquels les cultures sont à maturité).

Un troupeau de bœufs en transhumance, Crédit Photos Pexels

Au Tchad, les activités qui concernent à la fois l’agriculture et l’élevage, dites « agropastorales », sont jusqu’à nos jours rudimentaires et archaïques. Les autochtones (sédentaires) pratiquent toujours une agriculture itinérante sur-brûlis et extensive, donc traditionnelle. Cette technique consiste à défricher plusieurs hectares de terre par le feu afin de maximiser le rendement. C’est ce qui occasionne également la proximité des deux communautés « rivales ». Les troupeaux de bœufs affamés, assoiffés et exténués par un long trajet, à peine arrivés sur un espace verdoyant, se jettent sur les tiges, les épis de céréales à maturité et les dévorent avec volupté sous les regards dociles et complices de leurs « maîtres ». Cette destruction de champs est la flamme qui allume la mèche de la dynamite. Du coup, un conflit sanglant se déclenche entre ces deux communautés qui constituent les piliers de l’économie tchadienne.

50% des incidents communautaires liés aux conflits entre agriculteurs et éleveurs

Les conséquences qui découlent de ces tristes événements périodiques sont cataclysmiques. L’Organisation des Nations Unies (ONU), dans un rapport très accablant publié en novembre 2022, avait affirmé que les affrontements intercommunautaires au pays de Toumaï avaient engendré plus de 500 morts, 600 blessés et plus de 7000 déplacés. Plus de la moitié d’entre eux sont liés à des conflits entre agriculteurs et éleveurs.

Le pire reste encore à craindre car cette tension intercommunautaire se polarise. Les éleveurs, en quasi-totalité musulmans, possèdent des armes à feu qui leur auraient été fournies par certaines élites du pouvoir de confession musulmane. De leur côté, les autochtones agriculteurs, chrétiens ou animistes, se ruent sur toute sorte d’armes blanches (couteaux de jet, sabres, machettes, haches, …) pour leur autodéfense. Les jeunes, dépaysés et démotivés par la dévastation régulière de leurs champs, désertent les campagnes et créent une explosion démographique urbaine. Cette absence des mains d’œuvre est le canal par lequel la famine se répand à vitesse exponentielle dans les villages et par ricochet dans les villes. Sur les marchés, les consommateurs et les autorités publiques assistent impuissamment à la flambée des prix des denrées alimentaires. Le volume du panier de la ménagère diminue drastiquement. En somme, une crise socio-économique gagne l’ensemble du pays. Si les autorités de N’Djaména ne mentionnent pas ces affrontements à tournure interconfessionnelle dans leur agenda, ce qui semble être une petite étincelle s’embrasera. Et, le pays de Toumaï, berceau de l’humanité, sombrera dans un chaos irréversible : la guerre civile.

Éteindre la flamme dévastatrice

Pour éradiquer ce fléau, les autorités traditionnelles (chefs de terre, de village, coutumiers, etc.), religieuses (pasteurs, prêtres et imams), administratives (gouverneurs, préfets, sous-préfets, etc.), militaires et judiciaires doivent travailler en symbiose. Dans les différents lieux de culte, les messages de paix, de tolérance, d’amour, d’unité nationale et de réconciliation doivent retentir. Les séminaires et ateliers qui prônent la cohésion sociale et la stabilité politique ne devraient pas seulement se tenir dans les grandes agglomérations, mais aussi en ruralité. Les échanges doivent s’étendre sur les terrains et en plusieurs langues vernaculaires. Les médias, notamment les radios rurales et communautaires, jouent aussi un rôle très important dans la cohésion du tissu social.

Toutefois, des garde-fous doivent être érigés afin de freiner les éventuels récalcitrants dans leur élan. D’où l’entrée en lice des autorités militaires et judiciaires. Les premiers pourraient procéder au désarmement systématique et sans délai des agriculteurs et éleveurs détenant illégalement des armes de guerre. Les seconds réglementeraient le nomadisme sur l’étendue du territoire tchadien en traçant les couloirs de transhumance et feraient appliquer les textes du Code Pénal en cas de non-respect. Enfin, pour freiner le flux de transhumance, l’Etat tchadien pourrait, par l’intermédiaire des bailleurs de fonds, se doter des industries de transformation de viande, peau, ossements, etc. Les éleveurs qui exportent du bétail sur pieds vers les pays voisins (Nigeria, Cameroun, RCA) n’auront plus aucune raison de parcourir une longue distance car les acheteurs (entreprises) seront déjà sur place. Ces compagnies, en plus de limiter le déplacement du bétail, absorberont un grand nombre de jeunes sans emploi.