Noël d’espoir et de réconciliation à N’djaména

Article : Noël d’espoir et de réconciliation à N’djaména
Crédit: Veivra Noël
28 décembre 2023

Noël d’espoir et de réconciliation à N’djaména

Chaque année, à l’instar des chrétiens de la planète, ceux du Tchad en général et de N’djaména en particulier commémorent, la naissance de Jésus-Christ, le 25 décembre. Noël est un temps de conversion des cœurs, de pardon, de communion avec Dieu et de partage. Cette année, dans la paroisse Bienheureux Isidore Bakanja de Walia Goré, située à la sortie sud de la ville de N’djaména de l’autre côté de la rive du fleuve Chari dans le 9ème Arrondissement, Noël a été célébré d’une façon très spéciale ! Du 24 au 25 décembre, le froid glacial répandu par le courant d’eau de ce fleuve en cette période de fraîcheur a cédé la place à cet événement mystérieux, chaleureux et euphorique : la commémoration de la naissance de Jésus-Christ en présence des autorités étatiques.

La journée du 24 décembre

Comme pour orienter toute âme bienheureuse qui voudrait offrir ses présents à l’Enfant Jésus (Emmanuel) couché dans la crèche, la paroisse Bienheureux Isidore Bakanja a été décorée, ornée, enjolivée… De loin, comme les étoiles qui ont guidé les rois mages, les bergers (les premiers à se prosterner devant le fils de David avec tant de précieux cadeaux), la paroisse, en dépit de la poussière du quartier, scintille et est facilement identifiable ! Le réveillon a été célébré dans l’émerveillement ! Chaque arbre et arbuste de la cour est paré d’une ampoule électrique. La cour, bien éclairée, témoigne les étoiles, signes précurseurs, de la Bonne Nouvelle : la naissance du Sauveur.

À la messe du réveillon, six enfants ont été présentés à l’Eglise par leurs parents pour recevoir le sacrement du baptême. L’homélie a été participative car le prêtre a invité quelques enfants à le rejoindre à l’autel. Quelques petites questions ont été posées à un groupe de quatre enfants. L’une d’elles est la suivante : En cette journée spéciale, chers enfants, qu’est-ce que vos parents ont exceptionnellement apprêté pour vous ? Les réponses ont été presque identiques. « Papa et maman s’activent à nous présenter un copieux repas ». Le prêtre officiant a voulu faire comprendre aux enfants et à l’assemblée que Jésus-Christ est venu au monde pour que tout le monde ait la vie en abondance, tout comme la nourriture offerte par les parents aux enfants. Ensuite, il leur demande où a été placé le « Petit » Jésus après sa naissance ? L’un des enfants lui répond : « Jésus a été mis dans une mangeoire ». Et au prêtre d’ajouter : « Jésus est le vrai pain offert par Dieu à l’humanité toute entière ». Il le dira lui-même « Je suis le pain descendu du ciel. Qui mange ma chair et boit mon sang vivra éternellement », Jean 6: 51. Par cette homélie, le ministre de Jésus invite les enfants à cultiver l’amour et à le répandre non pas seulement dans leurs familles biologiques mais partout où ils se trouvent.  Rappelons qu’avant le début de cette messe, le curé de la paroisse Abbé Madou avait distribué plus de mille chapeaux « père noël » aux enfants pour leur donner l’exemple de ce que signifie le partage en leur faisant comprendre que la lumière qui scintille sur ce chapeau doit également briller dans leurs cœurs. Jésus-Christ est la Lumière du monde et ceux qui le suivent doivent marcher dans la lumière.

Abbé Madou, Curé de la paroisse Bienheureux Isidore Bakanja. Crédit photo: Abbé Madou (avec accord pour publication)

La journée du 25 décembre

Une matinée contemplative au chevet de l’Enfant Jésus

Enfants, jeunes, femmes, hommes, vieillards, parents, bref les fidèles de la paroisse sont tous à quatre épingles tirées, bien dressés dans leurs plus beaux habits de fêtes. Le sourire suspendu aux lèvres, les meilleurs vœux de Noël pleuvent et l’atmosphère devient électrique et joviale. Dès 08 heures précises, sur l’aire de prière grouille une marée humaine aux couleurs multiples. La grande cloche de la paroisse retentit, à la manière d’un muezzin à la mosquée, appelle les fidèles qui traînent les pas vers la principale célébration catholique : la messe. Une colonne de deux rangées avance vers l’autel. Tour à tour, deux par deux, les servants de messe, les membres du groupe liturgique et le seul prêtre officiant cette messe solennelle s’inclinèrent devant la sainte croix de Jésus-Christ, élevée au-dessus de l’autel. La foule, assemblée pour la messe de la Nativité, est chaleureusement et fraternellement accueillie par le ministre de Jésus, l’Abbé Simon Pierre Madou, le numéro un de la paroisse Bienheureux Isidore Bakanja de Walia Goré. En cette journée spéciale où les chrétiens du monde entier commémorent la naissance d’un bébé extraordinaire, le baptême d’un nouveau-né est programmé. Après les rites et les cérémonies baptismales, débute la liturgie. L’Évangile est tiré de saint Jean 1, 1-18 : « Le Verbe s’est fait chair et habite parmi nous ». Au cours de l’homélie, le pasteur a d’abord martelé et rappelé aux fidèles que « l’Église catholique est fixée et implantée sur la croix de Jésus-Christ ! Aucune force, aucun mal ne peut rien contre elle ! ». Cette église universelle (catholique) est apostolique car elle est de la lignée des Apôtres. C’était une réponse de l’Abbé Madou au décret papal à propos de la bénédiction des couples homosexuels ayant fait le buzz tout au long de la 4ème semaine de l’Avent. Lors de cette prêche matinale, il a brièvement décrit les intenses activités festives de l’après-midi et de la soirée comme pour exciter toute l’assemblée à ne pas manquer ces moments mémorables de l’année. La fête de Noël de cette année en cette période où les Tchadiens désirent ardemment aspirer à la paix se déroule sous un thème spécial : « Noël d’Espoir et de Réconciliation ». Les autorités du pays, membres du gouvernement de la transition et les opposants politiques sont invités à venir partager les repas en famille avec les enfants de la paroisse et des environnants.

Une crêche construite par les jeunes.
Crédit photo: Veïvra Noël

Une soirée explosive en présence des autorités politiques

Rappelons qu’en dépit du dialogue national inclusif et souverain (Dnis) faisant suite aux multiples accords avec les politico-militaires, le retour d’exil des activistes de la diaspora, le Tchad est atteint d’une crise socio-politique très sévère : la violente répression des manifestants contre la prolongation de la transition et surtout contre le maintien du Général Mahamat Idriss Déby Itno, fils de Maréchal Idriss Déby Itno, au pouvoir. Selon la transition, par ses efforts incessants de la main tendue, comme par envoûtement, le très jeune et nouvel homme fort de N’djaména, a réussi à ramener l’un, voire le plus farouche, des opposants politiques à accepter les résolutions du Dnis qu’il avait au départ boycottées. Cet accord avec Succès Masra, le président du principal parti de l’opposition, a fait souffler une brise d’apaisement politique malgré les grognes d’autres entités politiques de l’opposition qui ne reconnaissent pas l’accord signé à Kinshasa. De ces multiples réconciliations obtenues par le clan Itno, un référendum électoral a eu lieu le 17 décembre 2023 afin de déterminer le moule dans lequel l’État tchadien doit correspondre. Avant et après le résultat, l’opposition et plus précisément la coalition Wakit Tama qui avait appelé au boycott à crier victoire. Pour elle, les Tchadiens ont suivi l’appel au boycott et évoque un « désert électoral ». Le résultat est tout à fait contraire aux spéculations et attentes de l’opposition.

C’est dans ce climat politique délétère que l’Abbé Madou décide de réunir les protagonistes de la scène politique tchadienne moins de 48 heures après la promulgation des résultats du référendum très contesté par l’opposition. Comme pour mettre en application la parole de l’Ange Gabriel à la Vierge Marie : « Avec Dieu, rien est impossible », le jeune prêtre croit fermement à réconcilier les autorités politiques de son pays en présence des enfants. Car, Christ, lui-même, a dit : « si vous ne vous convertissez pas et si vous ne devenez pas comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux ».

L’opposant Yaya Dillo accueilli par le curé Abbé Madou. Crédit photo: Abbé Madou (avec accord pour publication)

Au soir du jour de la célébration de la Nativité du Prince de la Paix, les acteurs du « ring politique » du Tchad sont priés d’enterrer la hache de guerre en présence et au milieu des enfants. Parmi les invités nous pouvons citer Monsieur Yaya Dillo, Président du Parti Socialiste sans Frontières (PSF), Pr Avocksoum Djona du Les Démocrates, le ministre de l’agriculture Laoukein Médar, ancien maire de la ville de Moundou et président du parti la Convention tchadienne pour la paix et le développement (Ctpd), Dr Succès Masra du parti Les Transformateurs, Monsieur Djimet Clément Bagaou du Parti Démocratique des Peuples Tchadiens, etc. La foule composée de plus de mille enfants est subdivisée en groupes appelés « quartiers » dont les différents chefs sont les autorités politiques invitées. Chaque chef de quartier, juste après son arrivée, a eu quelques minutes pour s’exprimer à la foule. Dans les différentes interventions, de ces différents hommes politiques aux idéologies différentes, il y a un point de convergence : « Les enfants, vous êtes l’avenir de notre pays le Tchad ». Devant la crèche où se trouve la Sainte Famille (Joseph, Marie et l’Enfant Jésus), ce n’est ni le « Pater » ni le « Je vous salue Marie » ni le « Je crois en Dieu » qui a été récité mais plutôt « La Tchadienne ». L’hymne national a été entonné différemment par les différents quartiers. Sourire aux lèvres, les chefs de quartier ont eu un temps d’échange avec leurs membres dans le calme accordé par le « DJ » (l’animateur) qui a bien voulu baisser le volume du son de son amplificateur. L’hôte, le curé, a exprimé ses émotions, sa joie et sa satisfaction en ces termes : « Comme les bergers, les mages auxquels la Bonne Nouvelle est annoncée, les autorités malgré leurs multiples occupations se sont précipités pour venir offrir leurs présents aux enfants qui sont la présence physique de Jésus-Christ ». Au cours de ces brassages très chaleureux, plus de mille repas et tant d’autres cadeaux ont été distribués aux enfants. Au-delà de cette rencontre fraternelle, le prêtre voudrait mettre en exergue « l’humilité » que nous devrions montrer vis-à-vis de nos semblables aussi petits et pauvres qu’ils soient. Les mages (grands savants) sont venus se prosterner devant le « petit Jésus ». De même, les autorités politiques ont accepté de venir s’asseoir et échanger avec les enfants de la paroisse.

Laoukein Médar distribuant les plats de nourriture aux enfants. Crédit photo; V. Noël
Dr Succès Masra partage des cadeaux aux enfants. Crédit photo: Abbé Madou (avec accord pour publication)

Au-delà de cette rencontre exceptionnelle et fraternelle, les autorités de la transition et les opposants doivent avant tout considérer l’intérêt général en toute circonstance. Avant qu’elles ne nouent le tablier autour du cou, elles doivent se rassurer que le peuple a suffisamment mangé. À l’image de l’Enfant Jésus qui a laissé la gloire qu’il avait auprès du Père pour se revêtir de notre condition mortelle et à l’exemple de ces riches bergers qui sont venus s’incliner devant le Nouveau-né, les autorités du Tchad devraient, à leur tour, être à l’écoute du peuple. Bonnes et heureuses fêtes à toutes et à tous !

Partagez

Commentaires