L’électricité dans la capitale du pays des Sao, une denrée très rare

Article : L’électricité dans la capitale du pays des Sao, une denrée très rare
Crédit: Veïvra I. D. Noël
11 novembre 2023

L’électricité dans la capitale du pays des Sao, une denrée très rare

L’électricité joue un rôle crucial dans le développement de la société, mais son accès reste largement insuffisant dans la vie quotidienne des Tchadiens et en particulier dans celle des habitants de N’Djamena. Les foyers et les entreprises font face à d’énormes difficultés en raison des fréquentes interruptions d’alimentation électrique. Le manque de courant est l’une des principales causes des faillites des microentreprises, contribuant à l’augmentation du coût de la vie et du taux élevé de chômage dans la région.

Déboires et gémissements des N’djaménois

Le jour comme la nuit, N’djam ronronne et bourdonne. Les vrombissements de vieux moteurs de groupes électrogènes donnent l’impression que la capitale est une ville active, en pleine activité et perpétuelle mutation. En effet, ces bruits expriment les lamentations, les gémissements et les grognes des N’djaménois qui, en plus de la cherté de vie et d’une pauvreté abjecte, doivent accepter de plonger la tête dans une nuit d’encre. C’est dans cet environnement hostile aux affaires que madame Cathérine Maïpa, directrice d’un atelier de soudure dans le 6ème Arrondissement de la capitale nous relate ses difficultés. « Mon équipe et moi veillons à l’atelier pour attendre l’arrivée du courant électrique afin d’exécuter les grandes œuvres. Le jour, la SNE (Société Nationale d’Electricité) nous coupe le flux électrique et nous nous débrouillons toute la journée avec un petit groupe diesel qui ne peut pas couvrir toutes nos activités ». La raréfaction de l’électricité impacte sur les prix de plusieurs articles notamment les barres de glace, les yaourts, les boissons calorifiques, les photocopies, etc. Comme si cette coupure ne suffit pas, il faut ajouter la pénurie des carburants (essence et gasoil) et parfois celle des gaz combustibles. Youssouf Abdallah, un boutiquier de Chagoua dans le 7e Arrondissement s’enflamme et vocifère en ces termes : « Comment peut-on se développer sans énergie électrique ? Comment peut-on réaliser des bénéfices lorsque nos produits laitiers se décomposent dans les congélateurs et qu’il faut dépenser une autre somme d’argent pour se procurer un groupe électrogène ? ». Rebecca Lekouanodji, la tenancière d’un bistrot sur l’Avenue « Mathias Ngartery » de râler et débiter son ras-le-bol : « On n’en peut plus. Si cette coupure de courant électrique persiste, je risquerais de fermer mon établissement faute de bénéfices et attendre ma mort! ». Lorsque que j’ai recueilli les propos de cette jeune femme, mon coeur a saigné. A travers les galères de ces petits entrepreneurs, il faut voir celles de toute la ville et au-delà celles de tout un peuple. L’Etat doit dare-dare songer à soulager les populations face à cette crise énergétique.

Promesses non tenues

Les N’djaménois sont plongés dans une obscurité ténébreuse ces derniers temps ! De Déby 1er (père) à Déby II (Mahamat Idriss Déby), les promesses pour (enfin) désenvoûter la terre des Itno sinon dans une moindre mesure la capitale de vieux démons qui la maintiennent dans les ténèbres n’ont été que du vent. Après trois décennies aux commandes, le Maréchal Idriss Déby Itno (MIDI), à chaque campagne présidentielle, présente aux populations un programme alléchant, bien concocté et chargé de très belles initiatives. Tous ses projets s’articulaient autour de l’accès à l’eau potable et à l’électricité en passant par le bitumage des routes, l’érection des universités, des écoles, des lycées, des hôpitaux modernes, etc. sur l’ensemble du territoire. Dès qu’il tournait le dos aux peuples, remettait les pieds dans son somptueux palais au bord du fleuve chari, le demi-dieu inamovible et indécrochable MIDI y immergea et noya les piles de promesses faites aux concitoyens! Ne dit-on pas qu’en politique les promesses n’engagent que celles et ceux qui y prêtent foi ? Les plaintes, les lamentations, les supplications de son électorat n’ont jamais été entendues !

Tel père, tel fils

A peine intronisé Président d’une transition dont le compteur est remis à zéro après le Dialogue National Inclusif et Souverain (boycotté par une grande partie de l’opposition), le Général Mahamat Idriss Déby Itno, fils du Président MIDI, faisant semblant de mettre les petits plats dans les grands, marche parfaitement dans les pas de son prédécesseur. En un temps record, le tout jeune prince, investi « roi », parcourt toutes les provinces du pays où il sème à tout vent les mêmes promesses faites il y a plusieurs années par son défunt père. Le tout nouveau « capitaine » de bord avait promis après son investiture de sortir la capitale des nuits ténèbreuses en triplant d’ici 2023 les capacités de production énergétique. Un pari que son ministre de l’énergie n’a pas pu honorer. Exaspéré par cet échec, les supplications et prières des N’djaménois, le Président de transition relève le directeur de la Société Nationale d’Électricité (SNE) de ses fonctions et le remplace par un haut gradé de l’armée. Une partie de la population avait cru un instant que cet homme en kaki usera son statut militaire afin de faire régner l’ordre et mettre fin à ces coupures intempestives d’électricité. Erreur d’appréciation gravissime car les délestages en courant électrique demeurent interminables. Beaucoup d’arrondissements sont totalement, plusieurs jours d’affilée, plongés dans l’obscurité à la tombée de la nuit. La grogne sociale ne cesse de s’amplifier. Le tout jeune locataire du palais rose serait gêné par les lamentations de son peuple. Ainsi, comme pour exaucer les prières des N’djaménois, le Président de transition débarque Monsieur Djérassem Le Bémadjiel, ministre des hydrocarbures et de l’énergie et confie les clés dudit département à Madame Ndolonodji Alexi. La population s’interroge sur le bien-fondé de ce limogeage car Déby II comme Déby 1er serait passé à côté des foyers des maux qui gangrènent, détériorent et désintègrent le tissu socio-économique du pays. La fin du calvaire en besoins énergétiques n’est pas pour lendemain.

Une lueur d’espoir ou une énième duperie 

Il est tout à fait absurde de vouloir expliquer la non électrification de la ville de N’djaména jusqu’à ses environs car le pays des Itno (32 ans au pouvoir, s’il vous plaît !) est membre de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole). Comment peut-on comprendre qu’un pays producteur et exportateur de l’or noir soit dans le noir dès le crépuscule? Pour se laver le front après une telle longévité au pouvoir et pour redonner espoir d’un changement positif à la population de la capitale, le Président de transition vient de lancer un gigantesque chantier de construction de deux centrales solaires à N’djamena. Ces deux projets pharaoniques permettront de générer 65.000 MWh d’électricité par an soit l’alimentation de plus de 260 000 habitants. En dépit de ces projets éléphantesques en exécution, la majeure partie de la population de N’djaména est sceptique en ce qui concerne l’indépendance énergétique.

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Une centrale photovoltaique. Crédit photo: Iwaria

L’électricité est un élément essentiel et fondamental pour le développement socio-économique de la population. Dans les villes industrielles, la coupure d’électricité pour une « petite » seconde engendre des dégâts matériels et économiques considérables.

En attendant ces nuits éclairées, N’djam doit implorer le ciel pour que ces projets salvataires ne soient pas un énième mirage, un éléphant blanc car avec les autorités tchadiennes il faut toujours s’attendre à une surprise désagréable.

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