Le sang humain coule au Sud du Tchad, l’Eglise catholique implore le ciel

Article : Le sang humain coule au Sud du Tchad, l’Eglise catholique implore le ciel
Crédit: Abbé Madou
11 juin 2023

Le sang humain coule au Sud du Tchad, l’Eglise catholique implore le ciel

En soutien aux 17 victimes des massacres perpétrés au village DON dans la province du Logone Oriental, à 500 km au Sud de N’Djaména, le diocèse de la capitale place la journée du vendredi 19 mai 2023 sous un temps de prière et de recueillement.

Abbé Madou, curé de la Paroisse « Bienheureux Isidore Bakanja de Walia Goré », nous a ouvert les portes de son lieu de culte situé à la sortie Sud de N’Djaména de l’autre côté de la rive du fleuve Chari. Il a bien accepté répondre à nos interrogations en nous expliquant concrètement ce que l’Église catholique du Tchad, en l’occurrence celle du diocèse de N’Djaména, a décidé de faire ce vendredi. Voici la substance de notre entretien avec ce jeune prêtre.

Abbé Madou, curé de la Paroisse Bienheureux Isidore Bakanja de Walia Goré.
Crédit : Abbé Madou

Propos recueillis par Veïvra NOEL


L’archevêque métropolitain Edmond Djitangar a fait circuler un communiqué dans toutes les paroisses de son diocèse en invitant les fidèles de sa circonscription apostolique d’observer un jour de deuil, de recueillement, de collectes de fonds… pour témoigner la solidarité de son église en faveur de celle du diocèse de Goré où les actes horribles ont été orchestrés. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

Abbé MADOU : Le Tchad, depuis quelques années, subi des atrocités perpétrées (conflits agriculteurs et éleveurs) ici et là. Les récentes tueries du Monts de Lam dans le département de Goré constituent la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Le régime de transition en semant la désolation montre qu’il a totalement échoué. Il est inacceptable qu’une partie de la population soit armée contre une autre. Le Président de Transition Mahamat Idriss Déby Itno instrumentalise le Tchad. Pour ce régime, le Tchad n’est qu’un instrument qu’il faut utiliser pour détruire les populations sans remords. Pour marquer notre solidarité aux compatriotes et chrétiens sauvagement assassinés, l’évêque Edmond Djitangar invite les fidèles de son diocèse à observer un deuil, un temps de prière, de jeûne et de recueillement ce vendredi 19 mai 2023. Cette journée sera séquencée de la manière suivante dans ma paroisse : en premier lieu, nous implorerons l’intercession des Saints (Sainte Vierge Fatima, Saint Jean-Paul II, Sainte Theresa de Calcutta, Monseigneur Matthias Ngarteri et le Saint Patron de notre paroisse Saint Isidore Bakanja). Il y aura l’exposition du Saint Sacrement, le chapelet suivi du Chemin de Croix tchadien. Ce recueillement s’achèvera par la Messe avec des bougies allumées en mémoire de toutes les personnes lâchement assassinées par le régime de transition. Cette journée, je la place personnellement sous le thème : « Vendredi Catholique pour un Tchad fraternel et en paix ».

La Cathédrale Notre Dame de la Paix de N’djaména. Crédit Photo: Veïvra Noël

Pourquoi cette journée de jeûne, prière et collecte de fonds en solidarité à l’église catholique de Goré ne va pas se réaliser sur le plan national ?

Abbé MADOU : L’Église catholique est une hiérarchie. Je n’ai pas le pouvoir de vous répondre. Seul l’évêque peut vous donner une réponse. N’attendez pas que les autres portent assistance à une personne en danger avant d’agir. Il y a urgence et nous devons très vite agir. Raison pour laquelle l’Archevêque Edmond Djitangar n’attend pas qu’il y ait un sursaut épiscopal avant d’intervenir. Toutefois, il faut savoir qu’il y aura une rencontre des évêques autour de ce mal qui gangrène le Tchad et surtout les sudistes à majorité chrétienne.

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Croyez-vous qu’en exprimant vos peines, vos souffrances, vos lamentations, vos pleurs, etc. de cette façon, le régime actuel de transition peut vous entendre et tenter d’arrêter ce bain de sang sur l’ensemble du territoire tchadien ?

Abbé MADOU : Que le Président de la transition et tous ceux qui le soutiennent nous écoutent ou pas, nous avons un Être Suprême qui entend nos supplications. Que nos bourreaux soient armés jusqu’aux dents des fusils et armes de toutes sortes, nous (surtout chrétiens) avons la prière comme arme de combat. Nous sommes convaincus qu’en priant avec ferveur nous pouvons tout changer !

Le Chemin de Croix de Jésus-Christ ne s’est pas limité à Golgotha (Lieu des crânes), Christ a traversé toute la ville étant chargé d’une lourde poutre. Pour exprimer votre rage, pourquoi ce chemin de croix diocésain ou plutôt tchadien ne se fait pas d’une paroisse donnée jusqu’à la Place de la Nation ou à la Cathédrale ?

Abbé MADOU : Ce chemin de croix va se dérouler dans toute les paroisses du diocèse. Il n’est pas question d’exprimer une colère en cette circonstance. Nous ne sommes pas en colère. Nous sommes en deuil, en recueillement et surtout en temps de prière. Il faut aussi noter que l’Église catholique n’est pas un lieu de spectacle ou de folklore. « Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père ». (Mt 6.6).

Si après tant d’années de prière au nom de l’Unité nationale, musulmans, catholiques et protestants se rencontrent en novembre pour prier mais le clivage Nord-Sud (Musulman-Chrétien) prend des proportions démesurées, peut-on encore parler de paix dans un repli confessionnel, communautaire ou identitaire ? Les maux qui paralysent le développement socio-politico-économique au pays de Toumaï ont pour dénominateur commun l’injustice.

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